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La sobriété pour qui ? Pour quoi ?

 

Elisabeth borne 2 6368476

Périodiquement des mots, des idées, des concepts plus ou moins pré-mâchés par le marketing viennent tourner en boucle dans l’actualité : ces slogans positifs tout le monde les connaît : qualité, sécurité, fidélité, tolérance, liberté…

Désormais du haut en bas de la société on parle de « sobriété ». Qu’est-ce à dire ? Tout le monde a son idée sur le sujet : la sobriété vient de la sobrietas romaine : la tempérance dans la consommation de vin. Qui peut être contre ? Je suis sûr que même les alcooliques y sont, en théorie, favorables ! Notez bien que la sobriété a une forte dimension morale et religieuse, l’excès est condamné par toutes les religions et la tempérance est une sorte de modèle aussi abstrait qu’hypocrite.

Désormais du haut en bas de la société on parle de « sobriété »

Or ces mots positifs émergent toujours dans des circonstances où ils n’ont rien à faire là : on loue la vérité dans un univers de mensonges. On revendique la qualité au milieu d’objets made in China. On loue la gastronomie devant Mac Do. Même chose avec la sobriété qu’on invoque désormais dans une société droguée au consumérisme.

La sobriété serait donc la solution à tous nos maux. Soit. Mais il n’y a rien d’évident à appliquer la formule magique.

Admettons que la sobriété soit la solution à nos excès de consommation ; mais à partir de combien est-ce trop ? A partir de quand ralentir ? Et ralentir quoi ? Et jusqu’où ? Et surtout qui doit s’y mettre ? Les milliardaires parasites ou tout le monde y compris ceux qui manquent de tout ?

A partir de combien est-ce trop ? A partir de quand ralentir ?

Le freinage généralisé de la crise covid a tellement contrarié les gens que dès les restrictions levées les mêmes gens se sont rués dans les aéroports, magasins et autres loisirs énergivores tout en s’inquiétant du réchauffement climatique. Un paradoxe ? Une lâcheté ? Non, la réalité.

De plus certains efforts restent structurellement vains : par exemple en Allemagne ces dernières années l’État a subventionné à hauteur de 300 milliards l’isolation des logements. Baisse de la consommation constaté : 0 % ! Pourquoi ? Par effet « rebond » autrement dit : quand on consomme moins pour le même service ou en profite pour consommer plus : les logements mieux isolés voient donc la température moyenne monter pour le même prix. Et il y a bien des exemples de cet « effet rebond » bien connu des économistes : les voitures sont moins chères, consomment moins : on en achète deux ou trois, etc.

Ce qui freine un peu la consommation actuellement est uniquement le niveau des prix.

Si tout le monde aime l’idée d’être sobre on préfère encore que ces vertus soient d’abord appliquer par les autres. Car absolument personne ne veut changer de vie pour consommer et polluer moins. Connaissez-vous quelqu’un qui a, pour des raisons écologiques uniquement, déménager dans un logement plus petit ? Renoncer à l’avion ? Manger différemment ? Non.

absolument personne ne veut changer de vie pour consommer et polluer moins

De plus, il y a des causes anciennes à notre goût pour l’excès : à 99 % l’histoire des homos sapiens a été celle de chasseurs cueilleurs écrasés par la nature : quand il le pouvait nos lointains ancêtres se gavaient en vue de l’hiver : les réserves ce n’était pas le livret A mais le gras. Finalement il en est de même aujourd’hui : on accumule de la nourriture puis de l’argent puis des logements comme si nous risquions encore de perdre nos cavernes et notre gibier… Et puis cette frénésie de consommations est la base du capitalisme

La sobriété est donc une belle idée de plus. Elle s’adresse à tout le monde mais ne fera changer de vie à personne. C’est comme la gentillesse rebaptisée « empathie » : s’en réclamer ne change rien.

Pour changer, l’Humain qui demeure un « animal social », doit être stimulé : positivement avec un intérêt immédiat ou négativement avec la peur du radar automatique. Toutes les campagnes de sécurité routière vantant déjà une forme de sobriété dans la vitesse n’ont jamais eu l’effet des amendes.

Après 45 ceux qui se méfiaient de l’Allemagne blaguaient en disant qu’ils aimaient tellement l’Allemagne qu’ils préféraient qu’il y en ait deux. Et bien la sobriété c’est la même chose : elle est tellement extraordinaire que chacun préfère la laisser aux voisins.

Sobriete heureuse

les nécessaires changements dans notre consommation ne se feront que si la question devient politique

Mao disait que la révolution n’était pas un dîner de gala et bien la sobriété c’est pareil, les nécessaires changements dans notre consommation ne se feront que si la question devient politique c’est à dire conflictuelle. Pour l’heure la sobriété reste un élément de langage de plus dans la bouche de ceux qui parlent déjà trop.

Date de dernière mise à jour : 29/10/2022

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