La Femme exemplaire comme la prostituée est prisonnière de normes
Son nom de scène est Crystal Cherry. Née vers 2000, elle est actrice X et semble apprécier. Bien sûr on saura la vérité dans plusieurs années, néanmoins elle a un discours sur son activité (elle ne parle jamais de « travail ») qui a son intérêt dans la mesure où il colle à ce que la société exigeait et exige toujours des Femmes.
Au XIX°s par exemple la condition féminine était très dégradée. Mise à part les femmes riches et/ou liées au pouvoir politique (l’impératrice Eugénie…) la femme française ordinaire est exploitée par le capitalisme, dominée juridiquement et surtout conditionnée par des normes d’essence religieuses ou anthropologiques : le catholicisme en France, même contesté, exprime encore la Vérité, édicte des normes sociétales partagées et surtout contrôle les corps et les sexualités, les deux étant souvent confondus. La société, la famille, les autres, la loi sont les formes d’une force coercitive à laquelle peu de Femmes échappe. La Femme exemplaire comme la vile prostituée est prisonnière de ces normes.
Aux possédantes le paradis des nantis,
aux autres l’enfer des précaires
Crystal Cherry échappe à priori à toutes ces normes passéistes mais son histoire et son « métier » recyclent en fait le même schéma : alors que l’Église ou sa morale laïcisée contrôlait les corps et les cœurs, c’est aujourd’hui la sexualisation générale des rapports qui conditionne la vie civile et professionnelle de Crystal Cherry : elle déclare avoir couché pour la première fois à 16 ans « par opportunisme » et s’est lancé dans le X par curiosité mais surtout pour pouvoir publiquement renoncer à la « conscience » qu’elle a dans sa vie privée. Jadis les Femmes avaient besoin du surmoi de l’Église pour renoncer à leurs envies, désormais Crystal Cherry a besoin d’un surmoi pornocratique pour repousser ses limites avec l’excuse de faire ça « sur injonction d’un réalisateur ».
Alors qu’on interdisait aux Femmes d’être libres jadis (par souci d’ordre public), on leur impose désormais de l’être, même faussement. Commentant ses débuts dans le X, elle affirme « je ne me suis posé aucune question, c’était naturel (et ensuite) j’étais en extase ». Comment davantage prouver que l’imaginaire sexuel a remplacé l’imaginaire religieux ?
Dans une société des médias de masse, la Femme pieuse -parfois sainte- du XIX°s avait le pouvoir de l’exemplarité et était une figure respectée. Renonçant à elles-mêmes (jusqu’à la maternité pour les « soeurs »…), elles étaient quelqu’un et surtout quelque chose dans le système patriarcal. Crystal Cherry, c’est la même logique mais inversée : « je n’ai qu’à décrocher le téléphone pour réaliser une envie » affirme-t-elle fièrement. « Exciter les mecs m’excite énormément » : autre signe que son image est une sorte de pouvoir découplé de l’argent dont elle ne parle jamais sinon pour dire qu’elle avait oublié son premier cachet. Depuis quand paie-ton les croyantes ? Dans l’ancien modèle la « pureté » apparente avait le même résultat que ses obscénités : exister dans une société où les femmes étaient et restent souvent exclues des opportunités.
Le corps féminin contraint du XIX°s (vêtements, corsets, peau claire, cheveux…) l’est tout autant avec Crystal Cherry : pour coller à l’époque elle exhibe fièrement tatouages, piercings, tenues voyantes, etc.
elle utilise des concepts féministes
La bourgeoise pieuse du XIX°s n’était pas idiote, elle connaissait les lieux communs politiques de l’époque ; Crystal Cherry fait de même : elle utilise des concepts féministes actuels, est parfaitement bilingue et a aussi vite stoppé ses études, comme beaucoup de Femmes des XVIII° et XIX°s . Dommage car un savoir-faire découplé du corps est le début d'une réelle émancipation.
Mais depuis le XIX°s la croyante exemplaire et la starlette du X n’ignorent pas les rapports de force sociaux : ni les unes ni les autres, avec le temps, n’échappent à la servitude de la propriété. Aux possédantes le paradis des nantis, aux autres l’enfer des précaires. Or, toute religion chrétienne ou métasexuelle a pour fonction principale de faire oublier, en les justifiant, les injustices sociales, Marx disait « la religion est la respiration de la créature opprimée ». Crystal Cherry est essoufflée.
Dur de se révolter à la messe ou devant un porno. En effet la même ingénue conclue « j’aimerai bien me faire déglinguer sur le capot de ma propre Lamborghini ». Tout est dit. Amen (lien interview).