Nantes

Berlin ? Non, Nantes, comme à San Francisco !

La première impression que l’on a de Nantes, quand on arrive à la gare, se résume aux toilettes. Pour un euro un employé noir très avenant organise l’activité avec efficacité et célérité. Dans cette même gare on a installé une gigantesque passerelle qui enjambe le bâtiment, elle donne à l’édifice un air d’aéroport et modernise incontestablement la ville. Cette dernière a des airs de Lyon, Bordeaux ou Toulouse : on y croise très vite peu de personnes âgées, assez peu de sdf et beaucoup de gens de tous horizons, tous reliés par les réseaux, qu’ils soient culturels, sociaux, financiers ou touristiques. Ce peuple de partout se trouve immédiatement chez lui à Nantes. On y mange d’ailleurs dans des restaurants de tous types de l’alsacien à l’américain en passant par tous les libanais, arabes, asiatiques. La loi du marché s’impose aux individus comme les lois physiques s’imposent à la matière. Le long de la Loire serpente un tramway aux wagons déjà hasbeen d’autant plus qu’ils roulent sur de l’herbe...

Pour un euro un employé noir avenant organise l’activité avec efficacité

Au nord le patrimoine médiéval et les rues des XVIII° et XIX°s sont le décor du capitalisme du XXI°s : il y a plus de starbuck que de boulangeries et cela ne semble déranger personne. C’est d’autant plus vrai devant la cathédrale, qui, a-t-on oublié, a brûlé en 2020 et qui attend dans l’indifférence générale depuis.

Cet été les jeunes filles y arborent des crop top, ces moitiés de t-shirts vulgaires dont le but revendiqué est de ringardiser les plus de 30 ans en général et leurs mères en particulier. L’autre but est d’exciter les mâles alpha. Ces derniers ne sont pas en reste, ils se font remarquer aussi entre deux solliciteurs : ici des tapeurs de l’humanitaire, là des jeunes maghrébins revendeurs de cannabis. Et tout va pour le mieux sinon la canicule qui incendie l’arrière-pays. Ici ou là comme dans les autres villes européennes on voit des originaux. Souvent des jeunes qui surjouent la rébellion vestimentaire. Ils naviguent dans une indifférence à peu près totale vu que leur pseudo originalité n’est qu’un suprême hommage aux règles. Unité et diversités semblent caractériser la vie quotidienne des Nantais du centre : comme dans la Rome antique les habitants viennent de partout et semblent aller partout. Chacun apporte sa pierre à l’édifice babylonien. L’avatar de cette bourgeoisie est le bobo, pur produit du système il complexe et s’en distingue par son goût affiché pour le bio, la bière locale et l’art contemporain. Heureusement le bobo ne tue personne quand on le caricature.

Du passé ouvrier il ne reste qu’une exposition gratuite qui n’attire personne

Le sud de la ville s’est complètement désindustrialisé : l’île de Nantes a été transformé en gigantesque nouveau quartier dévolue aux affaires et au tourisme : on s’y précipite pour visiter les célèbres machines de l’île, dont le fameux éléphant mécanique qui symbolise le renouveau festif de la ville. Du passé ouvrier il ne reste qu’une exposition gratuite qui n’attire personne. L’économie est totalitaire. C’est ce même déterminisme mondialisé qui met les immigrés et les jeunes au travail. Ici il n’y a qu’eux qui semblent travailler dans les emplois visibles, les autres, tous les autres, semblent bidouiller toute la journée remplissant les incontournables terrasses comme celle du « lieu unique », un business très berlinois : des happy few s’y exhibent sur des chaises longues (sic) en faisant semblant d’être affairés tout ça sur fond d’art contemporain.

Cette frénésie urbaine et capitaliste mécontente pourtant bien du monde

Cette frénésie urbaine et capitaliste mécontente pourtant bien du monde : l’écologie, l’extrême-gauche et le féminisme ne sont pas loin. Mélenchon est arrivé en tête au premier tour de la présidentielle de 2022 et, depuis 2020, le maire est une mère, de gauche, née en 1979 : l’éviction de la population ouvrière semble avoir définitivement installé la gauche socialo-écologiste. Comme à San Francisco.