QUE FAIRE Valeurs et Actions Républicaines

De quoi la Corée du Nord est-elle le nom ?


(résumé d'un article plus long à paraître dans le journal Rébellion)

Vieille nation, jeunes Etats

Peu de nations sont aussi mal entourées.

En effet la péninsule coréenne a de puissants empires comme voisins immédiats (la Chine, la Russie et le Japon). A partir du XIX°s il faudra ajouter l’impérialisme occidental.

L’économie se résume à la gestion des maigres surplus agricoles

Depuis le moyen âge la Corée alterne les périodes de relatif développement et les moments de déclin. Au XIX° la monarchie régnante souhaite se moderniser à la fois menacée et fascinée par un Occident qui a déjà mis à genoux ses voisins. La péninsule est alors figée dans le féodalisme où une élite exploite une majorité de ruraux… L’économie se résume à la gestion des maigres surplus agricoles.

En Asie seul le Japon réussit à se moderniser. Il devient même une puissance impérialiste de plus dans l’Asie du nord-est. Arriérées la Mandchourie et la Corée deviennent vite ses vassaux… Proche géographiquement la Corée sera formellement annexée à l’empire japonais de 1910 à 1945. C’est là que commence l’histoire contemporaine coréenne.

 

Géopolitique infernale

 

Corée rêvée...

La Corée devient une sorte d’Algérie : la proximité de la « métropole » entraîne une industrialisation rapide de certains secteurs destinés uniquement à alimenter le capitalisme japonais. Une petite partie de la population devient une bourgeoisie au service de l’occupant. Mais pour le reste des habitants le quotidien est rude : à l’exploitation de la main d’œuvre rurale et urbaine se rajoute l’humiliation d’être dominé. Par exemple les Coréens de l’époque mangent peu de riz alors qu’ils en produisent d’importantes quantités. Pourquoi ? Le Japon achète ou détourne toute la production pour ses villes…

pour le reste des habitants le quotidien est rude

Le sentiment national coréen naît de cette tension entre modernisation coloniale et horreur impérialiste. La répression sanglante de toute tentative souverainiste alimente cette tension. Ce sera le cas en 1919 où la répression de manifestation fera plus de 7 000 morts ! Temporairement écrasée mais aussi relativement modernisée la nation coréenne s’arme de patience et de détermination. En tout cas des millions de gens ordinaires quittent le pays pour immigrer en Chine, en Russie ou même le Japon ! Ces diasporas existent encore aujourd’hui.

Dans certaines élites on rêve d’indépendance bien sûr mais aussi du communisme qui apparaît comme une autre façon d’être moderne sans injustices sociales ni colonialisme…

Encore aujourd’hui le discours idéologique de la RDPC est plus nationaliste que communiste. Les idées du « juche » (l’idéologie officielle) ont pour essence le nationalisme parfois le plus affirmé. L’armée nord-coréenne et ses armes nucléaires ne sont que l’aboutissement de cette volonté de ne plus jamais être dominé.

L’effondrement de l’empire japonais propulse alors la Corée

dans le grand jeu des puissances mondiales

Avant 1945 le pays est même encore plus franchement saigné. L’exemple des coréennes prostituées de force dans l’armée impériale n’est qu’un exemple parmi d’autres du sort sinistre des colonisés.

L’effondrement de l’empire japonais propulse alors la Corée dans le grand jeu des puissances mondiales.
La péninsule est libérée par les Soviétiques au nord et l’us army au sud. Que faire de la Corée où les idées communistes sont présentes au delà des militants encartés ?

Très vite la guerre froide qui se prépare fige les positions : les USA recyclent les coréens collaborateurs des Japonais et les Soviétiques poussent un de leurs alliés, Kim Il-sung, à agréger tous les communistes de la péninsule.

S’accusant réciproquement de subversion les deux camps prennent acte des temps nouveaux et fondent deux Etats en 1948. Là aussi, le passé du pays nous montre que la division de la péninsule a été fréquente.

La terrible guerre de Corée (1950-53) ne fait que figer durablement les positions. Pour chaque camp l’autre est un ennemi à abattre. En interne des dictatures émergent.

la planification permet de reconstruire et de développer le pays

On a oublié qu’à cette époque la Corée du Nord prend de l’avance sur le plan économique ! Jusque dans les années 1960 le pays est devant la Corée du Sud : la planification permet de reconstruire et de développer le pays. Le logiciel socialiste fonctionne et sort le pays du sous-développement.

Kim Il-sung travaille aussi à se tenir relativement à l’écart du bloc de l’est. Il sait que les puissances communistes restent des puissances. La RDPC milite finalement dans le mouvement des pays non alignés.
Pour Kim Il-sung la priorité reste la réunification et les tentatives de déstabilisation du sud vont se multiplier après la guerre de Corée. Des commandos armés seront infiltrés et l’un des dictateurs militaires du sud échappera de justesse à un attentat en Birmanie. L’année qui précède les JO de Séoul (1988) un boeing sud-coréen explose même en vol !

 Kim Il-sung fonde une dynastie

 

Pour furieuse que paraissent ces actions il faut rappeler que les Etats-Unis vont faire en Corée du sud la même chose qu’au Vietnam : ils vont laisser des élites corrompues et violentes tenir le pays. Le pays est une sorte d’Egypte où l’armée, les « services » et des milices répriment toute opposition. Les élections sont des farces que le tyran du moment remporte aisément tandis que le pays vit sous perfusion états-unienne.

Au Nord on se fige autour d’une dynastie

Au Nord on se fige autour d’une dynastie, celle de Kim Il-sung qui prépare son fils Kim Jong-il à devenir le prochain maître du pays. Loin du modèle communiste la RDPC dérive lentement vers une monarchie confucéenne où la famille, l’autorité et l’obéissance sont synonymes de civilisation et de paix. Là aussi l’histoire de la Corée est coutumière de ces tentatives dynastiques dans un contexte d’ingérences et de menaces extérieures. Cette version extrême de la « mentalité asiatique » ainsi que la puissance de la volonté d’indépendance expliquent la durabilité du régime au delà de son caractère autoritaire. Le repli sur soit est un classique des régimes coréens encerclés et en difficulté.

L’opposition aux Etats-Unis (réactivée par le discours sur « l’axe du mal » de G. Bush) est un classique du discours de la RDPC. Au Sud, l’installation d’une démocratie de marché permet au moins de digérer le passé des dictatures militaires pro-us.

 

La « dure marche » et ses suites

L’avance de la RDPC fond à partir des années 80.

En effet, connectée au vaste marché des Etats-Unis et aidé par une diaspora qui a fait son trou outre Pacifique la Corée du Sud devient un « dragon asiatique ». Piloté par un appareil d’Etat protectionniste le pays émerge du sous-développement. La faiblesse volontaire de la monnaie et les faibles salaires dopent les exportations. Cette modernisation est lente, chaotique, politiquement brutale… mais elle fonctionne !

le régime militaire est sous le feu de sa bourgeoisie libérale

De plus le régime militaire est sous le feu de sa bourgeoisie libérale qui digère de moins en moins les crimes du régime. Les mouvements sociaux et étudiants y sont massifs et surtout non communistes. Dans les années 1980 le consensus autoritaire n’est plus possible. Un dialogue constructif avec le Nord va-t-il pouvoir démarrer ?

La RDPC traverse alors une crise qui ira dix ans plus tard jusqu’à la famine ! En effet, très endettée pour avoir acheté quantité de matériel le pays cesse de rembourser ses dettes à partir de 1980. Privées de nouveaux crédits les capacités productives vieillissent. La croissance basée sur l’augmentation de la quantité rate le virage de la qualité. A part ses armes ses produits sont peu exportables.
Equipée en machines d’Europe de l’est et en engrais chimiques l’agriculture arrive pourtant à peine à couvrir les besoins : le pays est montagneux et seule l’irrigation généralisée des parcelles entretient une productivité tout juste moyenne.

La fin de l’URSS  va faire tomber l’économie comme un fruit mûr

La fin de l’URSS et la pénurie de pétrole qui suit vont faire tomber l’économie comme un fruit mûr. Le « juche » (autosuffisance) ne fut jamais qu’un mythe nationaliste.

Toutes les faiblesses vont plonger le pays dans la pire crise qu’ai jamais connu la RDPC. Des inondations catastrophiques en 1996 ravagent l’agriculture déjà sous-équipée et moins bien irriguée.
Durant une décennie les plus faibles vont mourir faute de médicaments ou de denrées de base, les coupures d’électricité vont se généraliser et les villes moyennes vont se vider de leur population. Les réseaux de transport, eux, périclitent complètement !

Des milliers de coréens vont errer sur les routes, le petit commerce de survie va se généraliser tandis que la frontière avec la Chine va s’entrouvrir… Replié sur la capitale et assurant les seules priorités militaires l’Etat s’évapore dans les régions les plus reculées où la survie règne. Cette « dure marche » accélère encore la dégradation de toutes les infrastructures. Le retard en la matière est aujourd’hui considérable !

la RDPC va néanmoins réussir à acquérir l’arme atomique

Un peu soutenue par l’aide alimentaire internationale la RDPC va néanmoins réussir à acquérir l’arme atomique (2006) ce qui va relancer les tensions régionales mais aussi propulser le pays au rang de pays invulnérable aux attaques extérieures. C’est aussi un avantage énorme pour le jour de la réunification. La Corée du futur jouera enfin jeu égal avec ses voisins. Même la Chine apprécie peu de ne plus être la seule puissance atomique de l’Asie de l’est…

Vis-à-vis du Sud une alternance de dialogues et de tensions tient lieu d’échanges. Une zone économique recevant des entreprises du sud ouvre au nord en 2004. Par la suite la RDPC multiplie les zones de ce genre imitant prudemment Chinois et Vietnamiens qui attirent localement le capitalisme mondialisé pour moderniser leurs industries et trouver les fonds nécessaires à l’innovation. Kim Jong-il aux affaires à partir de 1994 tente le grand écart entre le modèle chinois et un pays mobilisé pour sa seule armée.

Officiellement la RDPC mise aussi sur l’économie du savoir. On oriente les meilleurs étudiants vers le commerce international ainsi que dans la filière informatique : le pays développe ses logiciels et ses portables. Toutes choses égales par ailleurs la RDPC de Kim Jong-un (aux affaires depuis 2011) suit la route de la Corée du sud des années 1960 : c’est à dire avec un exécutif fort connectant le pays à la mondialisation en évitant toute révolution sociale. Les travailleurs nord-coréens sont les plus qualifiés et les moins chers d’Asie !

 Les discours tendant à déifier littéralement Kim Il-sung

vont dans le sens d’une religion confucéenne 

Dès lors de communisme nord-coréen n’est plus qu’une coquille vide. Le Parti n’est plus un appareil idéologique mais bien un système d’encadrement dont le seul avantage est d’éviter un chaos post-soviétique. Les discours tendant à déifier littéralement Kim Il-sung (mort et embaumé en 1994) vont plus dans le sens d’une religion confucéenne que d’un avatar du marxisme. Plus que le Parti c’est l’armée qui influence l’avenir du pays. Par ailleurs, la faim de devises pousse la RDPC à vendre n’importe quelle arme à n’importe quel pays : Israël bombardera en 2007 en site nucléaire syrien monté par la Corée du Nord. Dans un autre genre le secte Moon (originaire de Corée du sud) ou le groupe Huyndai investiront directement en RDPC !

Dès à présent les recettes de développement libérales décuplent les inégalités en concentrant les capitaux entre Pyongyang et le port de Nempo. Une proto couche moyenne émerge à la périphérie des dix-huit Z.E.S. en contact avec le reste de l’Asie.

Mais la marche vers un capitalisme asiatique standard n’est pas si simple. La Corée est peut-être le pays du « matin calme » mais pas celui du libéralisme tranquille : les rivalités impériales sont toujours aux portes de la RDPC. Au sud la vieille garde conservatrice refuse tout dialogue tandis qu’au nord on sait que seule « l’occupation américaine » justifie un secteur militaro-industriel surdimensionné. Des deux côtés du 38° parallèle une normalisation réelle ruinerait l’économie et le parti de la guerre.

le saut qualitatif à faire pour moderniser vraiment le pays reste énorme

De plus le saut qualitatif à faire pour moderniser vraiment le pays reste énorme : l’agriculture reste plus que fragile puisqu’en 2014 l’ONU estime inférieure au nécessaire la ration alimentaire moyenne des nord-coréens.

La RDPC est donc sorti de son coma des années 1990-2000 mais le nouveau dragon titube encore, du feu nucléaire plein la gueule.

 

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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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