Alors que ces jours-ci dans les médias (acquis à ceux qui achètent des espaces de pub), le "terrorisme" a remplacé opportunément les problèmes de "sécurité", on peut se demander où en sont les immigrés. Pas les ressortissants de l’Union Européenne, ni les Américains du sud, mais les personnes nées de l’autre côté de la Méditerranée. Car quand on parle "d’immigrés" on ne pense qu’aux Arabes (et dans une moindre mesure aux Noirs).
Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons que, sur le long terme, la France est une nation qui n’a jamais vraiment rencontré de problème durable avec ses immigrés : le gros de la population française est originaire de vagues migratoires diverses et toujours assimilées. Qui aujourd’hui redoute la délinquance arménienne ? Qui dénonce le fanatisme des Polonais ? Qui critique la bouffe italienne ? Personne. Il faut dire que sortis de quelques patronymes "exotiques", ces immigrés se sont totalement adaptés à la France enrichissant au passage les moeurs locales. Ceci étant dit, il faut bien rappeler que ce processus a pris quand même une génération. Passé un certain âge il est logique que des individus peinent à s'adapter (alphabétisation) et partent ailleurs, mais leurs enfants, eux, grâce à l’école républicaine adoptent très vite le mode de vie occidentale et français.
Cette évolution des immigrés d’hier n’a pourtant pas été sans créer de très vifs débats dans la France du XIXe siècle : l’extrême-droite de l’époque se déchaînait contre les "Ritals" et les "Polacks", qui avaient encore l’excuse d’être catholiques, alors pensez aux Juifs... Mais ces élucubrations éloignées de toute réalité ont vite disparus. Le pétainisme est mort avant Pétain et les violences contre les Italiens et les Juifs à la fin XIXe siècle ont révulsé les plus conservateurs.
Qu’en est-il de nos "Arabes des banlieues" (comme si aucun d’entre eux n’habitaient ailleurs) ? Et puis que veut dire être "arabe" aujourd’hui ? Dit-on parisien d’origine italienne, Provençal né en Alsace ?
De l’avis général il y a quand même un "problème". Mais lequel ? Est-ce un problème religieux ? Politique ? Economique ? Les avis sont partagés et les anecdotes ne manquent pas pour alimenter la phobie du jeune à casquette et/ou de l’intégriste en herbe.
Il est certain que les immigrés de la seconde génération ont, pour certains, mal tournés. Et longtemps encore les gazettes déborderont de crimes et de délits commis par les inimitables "jeunes des banlieues" (merci les media). Reste à savoir si ces quelques dégénérés sociaux sont plus ou moins menaçants que les "Blousons Noirs" des années 60... Violents, violeurs, irrécupérables, les terreurs américanophiles des bals des années 60 sont devenus pour quelques uns de vrais bandits, mais la plupart se sont retrouvés un beau matin à pointer et chargés de famille... Et c’est là que se situe l’éventuel "problème" des jeunes de banlieue. C’est moins facile de "pointer" aujourd’hui !
Pour commencer ils sont issus de parents arrivés en France au moment où la société commençait à vouloir se passer de cette main d’oeuvre corvéable à merci. Coincés au rez-de-chaussée de l'ascenseur social les "pères" ne sont pas devenus des modèles à imiter, mais des patriarches de pacotille, prisonnier de leur retour impossible et de leur volonté de frimer une fois l'an au bled. Profondément éceourés par la décomposition de ces valeurs rurales maghrébines, la seconde génération entretient une profonde ranceour vis-à-vis des Anciens. Ces enfants ont vite du apprendre le grand écart social entre un pays mythique et souvent méprisé et une réalité française où s’est développé le chacun pour soit. Misère noire là-bas, chômage massif ici les désespérés des quartiers sont légions.
Arrivés nombreux dans une société en perte de repères, la seconde génération a eu tôt fait de faire les frais de cette conjoncture. Pourtant, ces jeunes travaillent dans leur majorité, mais dans des emplois méprisables et précaires et pour la minorité voyante et activiste la délinquance est davantage un moyen de faire survivre la cité que de bâtir des fortunes siciliennes ou russes.
Reste la majorité silencieuse : celle de ceux qui s’en sortent avec les études, qui ne veut plus du tout de l’étiquette "arabe", "beur" ou autre . Très nombreux et surtout très discrets. Haïssant leurs congénères remuants et violents, ils et elles francisent leur nom en priant (même pas) pour se fondre encore plus vite dans le décor. Ceux-là, personne n’en parle jamais. Ce ne sont même plus des Arabes pour leurs collègues ou leurs voisins.
Sans pitié pour leurs "cousins" délinquants, désespérés par l’analphabétisme des parents, ils cachent souvent leurs relations avec des "chrétien(ne)s" et dépriment devant la télé.
C’est cette petite bourgeoisie des talents qui règle ses comptes avec ses origines. Le discours est fréquemment violent et sans pardon. Le film "Wesh Wesh" (passé totalement inaperçu) est l’anti- La Haine : sans esthétique de la zone, sans noir-et-blanc dramatique, ce film décrit et relate les "destins" des jeunes mais surtout des gens gens d’un quartier pourri. Misère, colère, pauvreté, trafic, dignité et travail rebondissent entre les personnages. Les mariages mixtes, les unions endogames, l’Islam social et le goût du travail structurent ces quartiers sur fond de croupissement social général.