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PISCINE
Il y a quelque chose de plus fascinant que la villa dans le sud de la France, quelque chose de plus glorieux, de plus noble, de plus lumineux : la piscine.
C'est plus ce volume d'eau qu'on regarde que la demeure, c'est plus ce parallélépipède qu'on admire que le bâtiment. Pourquoi ?
C'est rayonner sous le soleil quand les autres sont réduits aux piscines municipales
Difficile d'être catégorique mais cela tient sans doute aux symboles car la piscine, c'est LE signe extérieur de richesse, peut-être plus que la voiture car prêter son véhicule c'est s'en priver alors qu'inviter quelqu'un dans sa piscine c'est être généreux avec les autres comme on l'est avec soi-même. C'est rayonner sous le soleil quand les autres -les gens socialement inférieurs- sont réduits aux piscines municipales. Passion de la distinction !
On regarde au fond d'elle comme elle regarde au fond de nous
On regarde souvent cette étendue d'eau grise l'hiver, verdâtre au printemps et chlorée l'été. On regarde au fond d'elle comme elle regarde au fond de nous. Miroir déformant elle est comme le disque dur inconscient de la bourgeoisie périphérique, celle qui ne changerait de vie pour rien au monde.
Fort justement son coût est important : produits, tests, eau, pièces, électricité, accessoires, joints, jouets... pèsent sur le budget des fiers propriétaires. Qu'importe le temps et l'argent pour peu qu'on est la certitude d'en être. N'est-ce pas la définition du luxe ? L'inutilité nuisible ?
Sa fonction n'est pas seulement de rafraîchir les enfants, elle mire surtout le surmoi social, distille les ambitions, marque autant les esprits que les corps.
L'été elle ponctue le temps de l'oisiveté, plus encore que les écrans, mais n'est-celle pas aussi un écran géant ? S'assoir autour montre qu'on n'a rien d'autre à faire, qu'ailleurs on travaille à notre place et que c'est très bien comme ça.
la sensualité a aussi le parfum de la mort
On oublierait presque la nudité. Ce défilé de corps plus ou moins dénudés, pourtant la sensualité a aussi le parfum de la mort car les fortes chaleurs sont aussi une saison de noyades accidentelles de trop jeunes enfants.
Désastreux, forcément désastreux
Et que dire du bilan écologique ? Désastreux, forcément désastreux. Electricité, chlore et plastiques sont les vertèbres nécessaires de ce rêve éphémère. Qu'est-ce qui incarne mieux le gouffre suicidaire de la consommation d'après-guerre ? La piscine dissipe de l'énergie, importe de l'information et exporte de l'entropie.
L'eau stagne. Les baigneurs dorment. Ailleurs l'eau manque...
La pompe tourne et quelque part l'uranium ou le charbon chauffe l'atmosphère. Jusqu'à quand ?
Il n'y a sans doute rien de plus laid qu'une piscine abandonnée. Réduite à un magma saumâtre l'ex star de l'été pue, vomit des moustiques et apparaît comme l'anti-rêve contemporain.
Date de dernière mise à jour : 09/07/2019