Qu’est-ce que le bitcoin ? Rien.
Concrètement le bitcoin n’est « rien ». Ni métal précieux, ni avoir physique, ni monnaie, ni dette. Rien qu’une fraction d’information numérique d’un tout fini. Il y aura, à la fin du processus, 21 millions de bitcoins et pas un de plus si tout se déroule comme prévu.
Le mystère quasi complet de ses origines ne plaide pas en sa faveur. Créé vers 2008 par un ou des mystérieux personnage(s) il végète longtemps avant de devenir la première des crypto-monnaies. Longtemps boudé car en marge des États et des banques centrales ou privées il est devenu en 2024 un actif financier incontournable alors qu’il aurait du disparaître une fois passé de mode.
Comment ce gadget numérique sympathique mais marginal est-il en train de devenir un nouveau pilier du capitalisme ?
Étonnamment ce n’est pas l’économie qui nous le dit mais l’histoire.
Le but du système est uniquement d’accumuler de la richesse
Depuis l’avènement du capitalisme, après le XVI°s en Europe, l’économie mondiale s’est progressivement calibré pour n’être plus qu’une gigantesque machine à créer de la valeur, et cela de trois façons : exploiter les malheureux, consommer des matières premières et innover. Il faut ces trois éléments pour avoir du capitalisme, sans cela on est dans l’économie féodale. Le but du système est uniquement d’accumuler de la richesse pour investir et créer encore plus de richesses. Le capitalisme produit du capital et les conditions pour en produire plus (en polluant).
Bien vite les monnaies physiques en circulation (pièces ou billets) ont été insuffisantes pour évaluer et garantir la valeur produite. Cette dernière s’est alors polarisé sous d’autres formes : les actifs cotés. Tout ou presque s’est mis à avoir une valeur d’échange variable. Terres, dettes, œuvres d’art, actions et carbone… L’ensemble de l’économie capitaliste s’est financiarisé et fractionné en unités négociables. Aujourd’hui les etf indiciels (fonds investis dans un secteur de l’économie) incarnent cette valorisation fluctuante de tout ce qui a une valeur. La vélocité (rapidité avec laquelle on peut déplacer une richesse) ne cesse de croître.
toute vérité objective a, en théorie, une valeur infinie
En 1929 comme en 2008 le système vacille : la collusion États-banques, l’opacité des acteurs et la révolution numérique rendent possible la création d’actifs numériques dont la valeur ne repose plus sur une richesse réelle et une institution garante mais sur la garantie objective d’une vérité numérique. Enfin une certitude absolue dans un monde incertain. Quand le décalage avec le réel décote tout actif toute vérité objective a, en théorie, une valeur infinie. L’or fut et reste une « valeur refuge » du seul fait de ses caractéristiques considérées comme objectives.
Utopie numérique méprisée par les acteurs du système le bitcoin rend possible des transactions sans passer par les intermédiaires bancaires, de ce fait il sort de son ghetto financier par sa haute vélocité. Il devient politique quand il permet à wikileaks de se financer contre le reste du monde ou quand il permet le financements d’ONG.
Quand le capitalisme prend le virage des nouvelles technologies numériques, le bitcoin devient paradoxalement un rouage de plus de cette révolution : de chemin alternatif aux autoroutes bancaires balisées, son succès en fait progressivement une autoroute de plus. Le bitcoin facilite la liquidité du capital, c’est comme cela qu’il pollue : l’ordre numérique qui le constitue se paie en entropie physique.
Le système produit tellement de richesses que ces dernières se concentrent comme elles l’ont toujours fait : sous forme de bulles. En 1990 le marché immobilier japonais (monté à l’équivalent de l’ensemble de la richesse des USA !) s’écroule et la Bourse avec : elle mettra 30 ans à revenir au niveau. En 2000 même krach d’ampleur autour des débuts d’internet aux USA, ça entraîne 10 ans de purgatoire pour les futurs GAFAM. Schumpeter expliquait dans les années 40 que le capitalisme détruisait et créait en même temps par bonds technologiques et bulles spéculatives.
une nouvelle bulle
Alors que le capitalisme est d’une efficacité redoutable en matière de production de cash il lui faut une nouvelle bulle pour investir ces liquidités et en espérer de nouvelles plus-values. Or le bitcoin a beaucoup de bons côtés pour qui veut investir et/ou spéculer : il est indépendant des géants bancaires toujours plus ou moins suspects depuis 2008 et surtout non lié aux États qui peuvent changer la réglementation à leur avantage. Il permet à tout le monde (geeks idéalistes ou terroristes) de déplacer autant d’argent qu’on veut sans frontières ni signature. N’est-ce pas le rêve de tout individu rationnel ? Qu’espérer de mieux d’un actif qui, n’étant basé sur rien, n’est, en théorie, ni saisissable, ni confiscable, ni traçable ?
Récemment, certains hommes politiques (le président salvadorien ou Trump) ont misé sur cet actif uniquement par opportunisme. De même le fond de gestion Blackrock de taille mondiale a lancé un etf en bitcoin en janvier 2024. Une consécration alors que les crypto-monnaies se comptent désormais par milliers et que n’importe quel quidam connaît le bitcoin. Par son utilité historique, le bitcoin fait l’objet d’une bulle, d’une hipe alimentée autant par la foi que par les faits. Lucide W. Buffett a expliqué que le bitcoin n’était pour lui qu’une pyramide de Ponzi dans la mesure où quand on n’a des bitcoins on n’a qu’une chose à faire à terme : les revendre car ils n’auront jamais aucun rendement, une action peut se valoriser ou produire des dividendes, pas le bitcoin.
Tant que le capitalisme ne sera ni régulé ni contrôlé il aura besoin d’actifs cotés pour concentrer et fluidifier les richesses. C’est désormais au tour du bitcoin de jouer ce rôle avant qu’un autre produit plus adapté encore ne le remplace (un coin quantique ?).
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L’anxieux sera prudent, le curieux croyant mais le meilleur dans le champagne ce n’est pas la bulle mais ce qu’il y a autour. Désormais l’orgie spéculative a débuté avec une infinité de facilitateurs et autres promoteurs. Rappelons le scandale de la société défunte FTX dont le fondateur pilla ses clients ! Cette fête aura des a-coups d’ampleur mais perdurera tant que rien de plus efficace ne viendra remplacer la première des crypto-monnaies. Cela explique pourquoi ses chutes périodiques n’ont jamais été durables. Tant qu’il remplira une fonction dans le capitalisme le bitcoin sensé troller le système en sera un rouage bien huilé de plus.