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L'IA en face

Editorial juin 2024

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Le PDG de Nvidia signe sur le haut d'une fan

We're leaving ground
Will things ever be the same again ?
It's the final countdown…

Europe, the final countdown, 1986
 

La société Nvidia triomphe à Wall Street. Productrice de composants électroniques depuis les années 1990, elle est aujourd’hui la seule entreprise capable de fournir les puces nécessaires au développement de l’intelligence artificielle. Bien que les concurrents ne soient pas inexistants, Nvidia jouit actuellement d’un monopole qui en fait une entreprise « magnifique », c’est-à-dire à la fois très rentable et très innovante. Récemment, sa capitalisation boursière a dépassé celle d’Apple. Elle vaut plus de 3 000 milliards de dollars, soit plus que l'ensemble du CAC 40.

Biscours de l'action Nvidia (sur 5 ans)

Depuis la Renaissance, toute innovation d’importance a été portée par le capitalisme : seul ce système a réussi à financer les inventions rendant les sociétés humaines plus productives. Depuis 500 ans, dans les pays « modernes », chaque habitant travaille moins pour produire plus. Les autres sociétés, moins performantes, ont soit suivi cet exemple (comme en Asie), soit ont périclité : les régimes communistes ou les sociétés amazoniennes ont explosé du fait du météore capitaliste.

Ces révolutions technologiques ont bouleversé non seulement l’économie, mais aussi l’anthropologie humaine. Les inégalités structurelles et religieuses (discriminations de castes, genre, races, homophobes...) tendent à être minorées, non pour des raisons morales, mais en raison de leur inefficacité économique. Toutes les multinationales, sans exception, dénoncent les discriminations (non basées sur la propriété) pour ne pas écarter de potentiels talents comme Jensen Huang (PDG de Nvidia) et pour ne pas exclure des clients. Il n’est donc pas surprenant que les cadres supérieurs de Facebook soient souvent nés loin de leur entreprise d'origine. Par exemple, le même Jensen Huang est né à Taïwan. Autre exemple, en mars 2024, la multinationale hollandaise de l’électronique ASML a menacé de déménager son siège en France si une loi anti-immigration l’empêchait de recruter des talents en dehors de l’Europe.

Internet a déjà considérablement ébranlé les certitudes en reliant le monde à lui-même. La généralisation des smartphones a conquis l'intimité. L'IA ne fait que prolonger cette tendance. Qu’est-ce qui a le plus d’efficacité ? Qui a le plus d’influence sur les enfants ? YouTube ou les grands-parents ?

L'IA promet aussi des gains de temps, d'argent et de productivité qu'elle promet d'une ampleur absolument inimaginable. Philip K. Dick imaginait déjà un ordinateur sachant « tout », et la machine se déclarait elle-même être... Dieu ! Nous n’en sommes pas si loin. Déjà, ChatGPT aide des parents perdus à élever leurs enfants.

En 2023, des chercheurs du monde entier ont tiré la sonnette d’alarme : l’IA sans contrôle pourrait anéantir l’humanité ! Cela est vrai pour toutes les révolutions technologiques. Sans cadre, le nucléaire est suicidaire. De même, les énergies fossiles polluent gravement l’environnement. Cependant, pris dans le TGV du capitalisme innovateur, nous n'avons pas le courage de sauter du train, car il va trop vite.

La « solution » serait de mettre le progrès au service de tous, de le collectiviser en somme, mais cela n’arrive jamais. Il a fallu plusieurs guerres mondiales et des décennies de croissance pour généraliser un semblant de médecine moderne en Europe. Ailleurs, il faut toujours se ruiner pour survivre.

L’IA va donc, comme à la Bourse actuellement, attirer l’argent, les entreprises, les gouvernements et les quidams devant leur écran. Les inégalités vont alors croître encore davantage, car une innovation enrichit toujours ceux qui la possèdent. Ce fut le cas des premiers véhicules à moteur ou du pétrole, qui ont fait des fortunes d’une ampleur inédite au XIXe siècle. Il en est de même aujourd’hui avec l’écosystème IA : logiciels, puces, flux, clients, hardware, entreprises forment une énième « nouvelle économie », comme celle qui a vu naître Internet.

Est-ce un bien ? Un mal ? C’est une vision chrétienne des choses de vouloir étiqueter une invention de la sorte. L’IA, comme les réseaux sociaux hier ou la télévision avant-hier, sera tout ça à la fois et plus encore. Un fusil ou un enfant à la main, l’homme en fera tantôt le pire, tantôt le meilleur, perclus de biais qu’il est. Mais les IA de demain lui laisseront-il encore le choix d’avoir quelque chose en main ? Ce qui est certain, c’est que nous demeurons des hommes des cavernes habillés : nous voulons travailler moins, accumuler plus et, selon les cas, dominer ou séduire notre voisin(e). L’IA décuple déjà la richesse et la connectivité des uns, tandis que son absence fait disparaître les autres.

Cette évolution n’est pas linéaire : tout changement d’ampleur crée des résistances, des paniques morales et aussi des inégalités pourvoyeuses de violences. La minorité de Français intégrés à cette mondialisation sans frontières ni impôts représente les nouveaux aristocrates (les électeurs de Macron), tandis que les classes moyennes souffrent d’être remplacées. Seulement ce n’est pas un métèque qui sera le méchant du cauchemar, mais un algorithme.

Quand les changements sont incompris et subis

la Réaction devient le refuge des perdants

Plus sévère encore sera le virage énergétique. Si l’IA peut permettre, à l’unité, de consommer moins pour produire plus, elle risque aussi de généraliser l’effet rebond, où les consommateurs deviennent plus nombreux parce que consommer coûte moins. Si l’énergie et certaines matières premières viennent à se raréfier, des guerres et des pénuries bouleverseront le système, entraînant des dérives dignes du fascisme ou du djihadisme. Quand les changements sont incompris et subis, la Réaction devient le refuge des perdants, et peu de gens aiment perdre.

l’emballement boursier s’est écroulé avec une baisse de près de 80 %

En attendant, la première limite sera peut-être financière, car l’épopée médiatique de Nvidia ressemble beaucoup à la bulle internet de la fin des années 90 : nouvelles technologies, nouveau monde, milliards de consommateurs... Tout cela était vrai, mais l’emballement boursier s’est écroulé en mars 2000 avec une baisse du Nasdaq de près de 80 % dans les mois suivants ! Internet n’est pas mort, mais ses entreprises d’origine, elles, ont disparu massivement.

Date de dernière mise à jour : 13/06/2024

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