Editorial, octobre 2024
Peut-il reformater la gauche française ?
Fatigué par la tyrannie et les provocations de Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin a finalement quitté La France Insoumise après l'épuration scandaleuse de l'été dernier. Il est de notoriété publique que, pour LFI, la démocratie c'est pour les autres...
Indépendant, brillant et probablement ambitieux, Ruffin, à la tête de sa micro-structure Picardie Debout, entame le long marathon de la présidentielle. Il ne manquera pas de concurrents à gauche pour tenter l’exploit de battre l’extrême centre et l’extrême droite. Cependant, sa nouvelle liberté politique pourrait bien lui permettre de reconfigurer le logiciel de la gauche française.
sa liberté politique pourrait lui permettre
de reconfigurer la gauche française
Ruffin reproche à LFI d’avoir sciemment abandonné le prolétariat autochtone « européen » au profit des banlieues dites « immigrées ». L’évolution islamo-gauchiste de Mélenchon, autrefois fervent défenseur de la laïcité, ne fait plus de doute. Pour ce dernier, désormais, l’islamisme n’existe pas, et son soudain intérêt pour la Palestine ne sent pas le jambon. Il est clair que cette stratégie « anti-raciste » a porté ses fruits, comme en témoignent les résultats de 2022 et des dernières élections européennes de 2024.
Face à cet abandon, le prolétariat traditionnel, une fois de plus délaissé par ses représentants, a choisi l’abstention ou s’est tourné vers le RN écœuré par le laxisme des partis de gauche sur certains sujets. En dénonçant cette trahison, Ruffin amorce-t-il un virage souverainiste ? Deviendra-t-il le Georges Marchais du XXIe siècle ?
Plusieurs figures de la gauche ont décidé
de rompre avec le multiculturalisme
À l’échelle européenne, plusieurs figures de la gauche ont décidé de rompre avec le multiculturalisme libéral-libertaire pour revenir aux fondamentaux du socialisme : la nation et le travail. C’est le cas des sociaux-démocrates danois, qui se sont illustrés par une position ferme sur l’immigration, ou encore du parti SBW de Sahra Wagenknecht en Allemagne. Cette alliance a surpassé Die Linke lors des élections européennes et flirté avec les 15 % lors des dernières régionales.
SBW, 6 % aux Européennes de 2024 contre moins de 3 % pour Die Linke
Aujourd’hui, immigration et sécurité ne sont plus les monopoles d’une droite hystérique déconnectée du monde du travail. En Allemagne, par exemple, l’AfD est dirigée par des catholiques intégristes, bien loin des préoccupations de ses électeurs. Seuls les côtés anti-immigration et anti-système mobilisent les foules.
Populaire en Picardie, Ruffin embrassera-t-il lui aussi un populisme semblable à celui de sa consœur allemande ? Il est intéressant de noter que cette dernière défend également des positions non-alignées sur l’Ukraine et des thèses climato-sceptiques, des marqueurs jusque-là monopoles du RN en France... Un cocktail idéologique surprenant.
Quoi qu’il en soit, la possible clarification de la ligne politique de Ruffin pourrait être le signe d’un réveil pour une gauche française plongée dans le coma depuis des décennies. Du PS à LFI, celle-ci semble toujours prisonnière de stéréotypes ethno-clientélistes, l’ayant conduite à renoncer à des valeurs fondamentales comme la laïcité ou le travail. Ainsi F. Roussel a-t-il émergé timidement en 2022 en se distinguant du consensus wokiste qui règne à Paris.
Enfin, les provocations de LFI a cristallisé contre Mélenchon un vote modéré, qui le combat à égalité avec Marine Le Pen...
Ruffin sera-t-il capable, et surtout désireux, de tracer une voie véritablement originale ?