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TCE : un monstre

Le Traité constitutionnel : un monstre

Par : Luthor Lex, (mai 2005)

TRAITÉ OU CONSTITUTION ?

Arrêtons-nous d'abord sur l'énormité de la chose : 448 articles (341 pages) uniquement pour le tome I de la Constitution en ajoutant les 393 pages du tome II (36 protocoles, 2 annexes), le Traité de Constitution est quelque peu indigeste. Par comparaison la Constitution Française de 1958 ne possède que 89 articles.

En premier lieu il s'agit de déterminer, si ce texte est une Constitution ou un simple Traité comme on nous le dit à tour de rôle.

En fait, il s'agit d'une véritable Constitution dès lors qu'elle correspond à la définition matérielle de toute constitution : organisation des pouvoirs publics et garantie des libertés fondamentales, avec identification d'un pouvoir constituant.

Pourtant l'établissement d'une Constitution doit être le fait d'une « constituante », soit une assemblée élue par un peuple souverain, c'est à dire l'exact contraire de la Convention pour l'avenir de l'Europe dirigée par Valery Giscard d'Estaing. On peut alors se poser des questions sur la légitimité de ce texte.

PRIMAUTÉ DU DROIT EUROPÉEN

Article I-6 :

« La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres. »

Les articles I-13 et I-14 fixent les domaines de compétence de l'Union Européenne, celles-ci se scindent en 2 catégories :

- le domaine de compétence exclusive comme par exemple, l'établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur,

- le domaine de compétence partagée c'est-à-dire conjointes avec les États membres comme celui de la politique sociale notamment dans les aspects définis dans la partie III, soit le respect de la concurrence libre et non faussée.

On notera que cet article n'était pas présent dans les Traités antérieurs.

DROIT DE PÉTITION OU OFFICIALISATION DU LOBBYING ?

Pour beaucoup de tenants du Oui, l'article I-47 représente une avancée sur le plan démocratique notamment avec le paragraphe 4 de l'article :

« Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution. »

Force est de reconnaître que cet article ne fixe pas les modalités exactes du droit de pétition, qu'est-ce qu'un nombre significatif d'États-membres ?

En outre qui peut lever un million de signatures très vite et dans un grand nombre d'États membres ? Les lobbies : cet article ne fait qu'officialiser les actions de lobbying courantes à Bruxelles (ils sont près de 5000), comme le prouve le paragraphe 2 de l'article I-47 :

« Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives de la Société civile. »

Société civile, c'est le joli mot choisi par la Commission pour désigner les lobbies dont les plus puissants sont l'UNICE ( le patronat européen prochainement dirigé par le Baron Seillière, forcément pour le Traité ), l'European Round Table (ERT) c'est à dire la Table Ronde des Industriels, le Kangaroo Group auquel Valery Giscard d'Estaing ou Frits Bolkestein appartiennent [1] ou bien le Comité Européen des chambres américaines de Commerce (AMCHAM) véritable cheval de Troie du complexe militaro-industriel américain.

LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX CONTRE LES DROITS DE L'HOMME

La Charte des Droits fondamentaux insérée in extremis est souvent présentée comme l'avancée principale par les tenants du Traité. Or, en regardant de plus près, on peut considérer qu'elle se trouve en retrait par rapport à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 qui dans son article 18 instaurait le droit à la sécurité sociale [2] contrairement à l'article II-94 du Traité Constitutionnel :

« L’Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations sociales et aux services sociaux »

Les mots usités dans ce cas précis n'ont aucune valeur juridique et rien de contraignant !

En réalité et contrairement au modèle du Préambule de la Constitution de 1946 en France, conforme à cet égard à la conception qui a fondé la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, les droits consacrés en matière sociale dans la Charte des Droits fondamentaux ne correspondent pas à la conception des « droits-créances » qui sont des garanties de la puissance publique et de l'État-Providence mais plutôt à ce que l'on appelle les « droits-libertés » synonymes de l'État minimal, soit la reconnaissance par l'État de simples facultés individuelles. D'où la présence de formules peu normatives en matière sociale comme « L’Union reconnaît et respecte » ou le « Droit de travailler ».

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux présente de nombreuses régressions en particulier dans ses annexes [3] :

« La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire [...] : c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies légales [...] : e) S'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond. »

LA TROISIÈME PARTIE DU TRAITÉ : BEAUCOUP PLUS QU'UNE SIMPLE COMPILATION

La Troisième partie du TCE, c'est à dire celle qui fixe les politiques de l'Union Européenne (du jamais vu depuis l'URSS) est bien plus qu'une simple compilation des précédents Traités. C'est ainsi que les articles 194 à 196 sur la politique monétaire sont nouveaux, tout comme l'article 176 sur la propriété intellectuelle (cf. la directive sur les brevets informatiques véritable machine de guerre contre le logiciel libre)

Il apparaît également au sein de la partie III, la croyance erronée du Marché régulateur, tel qu'il apparaît dans la dernière partie de l'article 209 :

« Ils estiment qu'une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché intérieur, qui favorisera l'harmonisation des système sociaux, que des procédures prévues par la Constitution, et du rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, des États-membres. »

Le dumping social est pour ainsi dire consacré, toute protection sociale devra s'ajuster au bon vouloir du Marché intérieur !

LES SERVICES D'INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAUX NE SONT PAS LES SERVICES PUBLICS

Les partisans du Oui ont pour argument fallacieux de présenter comme équivalents les Services d'Intérêt Economique Généraux (SIEG) et les services publics, ce qui ne les empêche pas de les présenter à la concurrence article III-166 paragraphe 2 :

« Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises au dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence. »

En outre, le Livre vert sur les SIEG [4] précise un élément important.

« Il convient de souligner que les termes service d'intérêt général et service d'intérêt économique général ne doivent pas être confondus avec l'expression service public. »

UN NON SALVATEUR

Les partisans jouent en réalité sur le registre de la peur, tout d'abord en présentant comme obligatoire le vote oui. C'est oui ou le Chaos semblent chanter en choeur les hommes politiques et la plupart des grands médias...

En effet, pourquoi avoir opté pour le référendum si le Oui est la seule issue possible et valable ?

Les pays ayant déjà dits non à l'Europe que ce soit l'Irlande ou le Danemark ne sont pas tombés dans le vortex de la déliquescence.

De plus la ratification du Traité entérinera le modèle de cette Europe en panne avec une croissance faible, une banque centrale toujours incontrôlable aux objectifs passéistes (la lutte contre l'inflation) et un chômage galopant (plus de 9%), chômage qui n'est même pas mentionné dans le TCE !

Enfin, il s'agit d'arrêter de jouer avec la figure repoussoir de l'extrême droite et de la droite réactionnaire, très commode pour les tenant du Oui afin de stériliser tout débat démocratique  !

Il existe un Non français, un Non d'espoir rêvant d'une confédération de nations libres, solidaires où le Parlement nationaux auraient réellement un droit d'initiative, une Europe où les coopérations renforcées seraient possibles.

Une Europe loin du gouvernement des juges, un Non de conviction pour enfin se dresser contre l'oligarchie et la mégamachine du pancapitalisme financier.

Le 29 mai, votez pour un NON salvateur.

[1] http://lecordelier.com/index.php?action=article&id_article=133216

[3] A- Déclarations relatives à des dispositions de la Constitution- 12, titre I/ article 2- Explication paragraphe 3 a), titre II/ article 6- Explication 1 d)

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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