Après l'Etat-nation... le chaos ! (image de Libye)
L'accord de novembre 2013 entre les Occidentaux et l'Iran sur la question nucléaire est une bonne nouvelle pour la paix du monde... mais pas une bonne nouvelle pour certains Etats arabes.
Certes une nouvelle guerre non loin des pays arabes s'éloigne mais cet accord marque l'émergence d'un Iran mieux organisé et plus fort que ses voisins arabes.
Si on rajoute à cela les menées d'une Turquie "néo-ottomane" et des Kurdes de plus en plus autonomes on a un monde arabe sur la défensive et rongé par des divisions profondes comme en Irak ou en Libye.
1. L'émergence d'un "modèle" iranien ?
La normalisation des relations entre Téhéran et les puissances occidentales fait revenir l'Iran sur le devant de la scène proche-orientale. En effet, peut-être débarassée des sanctions internationales la Perse du XXI°s va sans doute rattraper son retard économique dû à 10 ans de litiges sur la question nucléaire.
le discours islamo-révolutionnaire ne sert plus que de discours nationaliste
En effet le régime aux mains des réformateurs et des conservateurs pragmatiques a pour ambition de devenir une sorte de Turquie post-islamiste. En effet, la société iranienne s'est tellement modernisée depuis 1979 que le discours islamo-révolutionnaire ne sert plus que de discours nationaliste et nullement de discours agressif. Les diatribes contre Israël n'effraie plus guère et ne sert que de mirroir aux Sionistes les plus durs.
La grande affaire de Téhéran est de protéger ses frontières de toute déstabilisation : en Irak le pouvoir de Maliki est un allié de l'Iran et anime la guerre contre les Sunnites extrémistes. Au Liban et en Syrie les alliés de Téhéran sont aux premières loges contre les islamistes sunnites.
Même stratégie en Afghanistan où les clients de l'Iran servent de frein au retour des Talibans, encore une position en phase avec les Etats-Unis...
Il en est de même vis-à-vis de l'Arabie Saoudite, ex alliées privilégiée de Washington, actuellement en profond déclin du fait de l'âge moyen des princes (autour de 90 ans !), des difficultés croissantes de puiser du pétrole et d'une société verouillée par l'islamisme le plus stupide. En Iran, le chiisme urbain a accompagné la modernisation de la société même si les libertés restent partielles. Le régime fondé par Khomeyni connait publiquement des débats et des élections avec des candidats réellement concurrents. Un rêve pur et simple en Arabie Saoudite !
2. La Turquie de retour dans le monde arabe ?
Autre puissance voisine du monde arabophone : la Turquie. Son développement a fait de ce pays un modèle politique et économique pour ses voisins arabes.
Le nouveau régime militaire persécute les Frères Musulmans
mais aussi toute voix indépendante
Comme en Iran le trio alphabétisation, urbanisation et dénatalité a relégué les pays arabes comparables au siècle dernier. L'Egypte a raté le virage d'un islamisme libéral qui a, précisément, permis à la Turquie de devenir un pays moderne malgré ou plutôt grâce à un conservatisme affiché. Avec le retour de l'armée aux affaires au Caire tout débat et toute élection libre vont devenir impossible. Le nouveau régime militaire persécute les Frères Musulmans mais aussi toute voix indépendante (bloggeurs, humoristes, etc.)...
Au niveau politique la Turquie négocie ouvertement avec les Kurdes irakiens. Le but est de garantir la paix dans son Kurdistan et aussi d'avoir de l'influence en Syrie, autre exemple d'Etat-nation arabe en profonde crise.
3. La "nation arabe" en miettes
La guerre civile et après ? (Syrie)
Jusqu'à un accord (pour le moment improbable) la Syrie reste divisée de fait en cheferies violentes. L'Etat historique ne règne plus que sur les grandes villes et quelques axes. Le reste du pays, les campagnes et le désert sont aux mains de bandes armées sans projet ni avenir. On retrouve l'Afghanistan après le retrait soviétique de 1989.
La Syrie baasiste (comme l'Irak de S. Hussein) fut une création occidentale sensée servir l'Europe après la liquidation de l'empire ottoman après 1918. Il en est ressorti des régimes nationalistes certes anti-impérialistes mais surtout en butte aux minorités non arabes (kurdes entre autres).
C'est aujourd'hui ce consensus autoritaire qui vole en éclats avec les arabes chrétiens comme victimes du face-à-face entre nationalistes souvent minoritaires (Sunnites en Irak, Alaouites en Syrie) et les islamistes. Mais ces derniers aussi sont profondément divisés entre Frères Musulmans raisonnables et djihadistes ultra-violents.
La Libye aussi rentre dans cette catégorie d'Etat nationaliste faiblement structuré qui a sombré dans le plus pur chaos sans même avoir de minorités sur son sol.
Reste aussi les Etats non encore en guerre civile mais profondément déstabilisés ou entre les mains de politiciens violents. C'est le cas de l'Algérie où les services de sécurité (armée, polices, etc.) tiennent encore le pays et ne savent comment régler les problèmes sociaux. Situation à peine plus détendue au Maroc où la corruption des élites est étalée au grand jour.
Le chômage de masse des jeunes reste une plaie vive
Le cas tunisien est plus grave car si le jeu politique est plus ouvert depuis la fuite de Ben Ali, aucun consensus minimum ne semble émerger. Le chômage de masse des jeunes reste une plaie vive et nourrit autant l'immigration que le fanatisme ou la franche délinquance...
L'Egypte est un mixe de la Tunisie et de l'Algérie, là aussi aucun "modèle" à attendre des généraux revenus aux affaires avec la complicité de certains démocrates.
Quant à l'Arabie Saoudite elle reste le grand trou noir du monde arabe. A la fois centre de l'islamisme le plus obtu et coeur financier de bien des pays "frères". Son rôle dans l'armement de groupes armés en Irak, Libye ou Syrie est certain alors même que le régime est au bord de l'implosion biologique (le roi et ses héritiers ont tous plus de 85 ans). Il y a aussi le baril de poudre sociale : la jeunesse, les femmes et même la minorité chiite n'ont plus guère confiance dans la famille royale. Et que dire de certains groupes d'Al Qaïda qui ont, jusqu'en 2005, pris pour cible les autorités ?
Le roi Abdhallah d'Arabie (89 ans en 2013)
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Handicapé par une jeunesse formée mais massivement au chômage et sans réelles libertés le monde arabe est en butte à des retournements d'alliances qui se font contre lui.
En effet, suite au 11 septembre les Etats-Unis ont cherché à écraser leurs ennemis "terroristes" puis pactisent avec d'autres puissances. B. Obama mise plus sur l'Afrique, l'Asie et l'Iran que sur les pétro-monarchies ex alliées anti-communistes. Un constat qui devrait être confirmé par la production de pétrole états-unien non conventionnel.