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De quoi Chavez est-il le nom ?
Adieu et merci
Peu de personnages d’actualité soulèvent autant de positons arrêtées que Hugo Chavez ! C’est peu de choses que de dire que le défunt président vénézuélien agite les esprits et les foules. En France comme ailleurs on est soit « pro », soit « anti » sans guère de nuances bien souvent.
Dans la gauche de la gauche on voit une icône qui aurait évité les travers du régime personnel à parti unique, le fondateur du « socialisme du XXI°s » débarrassé de la tragédie du stalinisme, un anti-impérialiste réel, etc. A droite on caricature l’ami des dictateurs, le populiste, le mauvais gestionnaire…
Or, un essai de bilan honnête pousse à se débarrasser de ces a priori tout en revenant aux fondamentaux du terrain latino-américain, décor du chavisme.
1. Le chavisme, ce populisme
Le terme même de populisme est connoté : démagogie insupportable pour les uns, volonté du peuple incarné pour les autres ! Or il est vrai que l’Amérique du Sud a connu de nombreuses expériences populistes quand un leader charismatique régnait par et pour la partie la plus populaire des citoyens, habituellement méprisés. Le chef régnant aussi contre les élites du passé, généralement stipendiées par les puissances extérieures. Ce fut le cas de Perón mais aussi de bien d’autres présidents renversés par les oligarchies locales.
Or, qu’est-il sorti de ces expériences ?
Perón, un autre populiste
Premièrement une amélioration certaine de la situation des plus modestes, une répartition des richesses (un peu) moins inégalitaire. Deuxièmement un vide politique dangereux après la mort du président. L’Argentine et bien d’autres pays connurent des troubles favorables aux élites revanchardes. Car bien souvent le leader ne préparait que peu sa succession et ne savait pas renoncer au pouvoir. Chavez changea la constitution pour se représenter sans limitation et se fit réélire pourtant déjà malade. Une faiblesse structurelle du populisme qui se survit rarement à lui-même car sans parti politique à même de servir à autre chose qu’à un alimenter la popularité du chef. Qu’en est-il au Venezuela ? Un héritier a été clairement désigné mais qu’en sera-t-il demain entre Chavistes sociaux et Chavistes militaires ?
2. Le chavisme, un anti-impérialisme
Sans conteste Chavez a rendu le Venezuela indépendant de ses maîtres états-uniens. Ses références à Bolivar furent autant un symbole qu’un programme. Géré par le passé par des ministres soumis aux intérêts des Etats-Unis, Chavez a déclaré le pays réellement indépendant de Washington et de Miami où les ex présidents du pays fuyaient fréquemment les poches pleines (sic).
C’est cette politique qui a rendu Chavez sympathique aux adversaires du « système », cela de la galaxie communiste (Mélenchon) à une partie de l’extrême droite (Soral). Il ne refusa jamais de pactiser avec l’Iran, la Chine ou même la Libye de Kadhafi, cela sans raisons idéologiques mais simplement par solidarité anti-impérialiste.
La droite venezuelienne ne s’y trompa pas : elle tenta un coup d’Etat en 2002 et ne cessa jamais d’alimenter ses homologues européens en calomnies de bas étage au sujet du président (accusation d’antisémitisme entre autres…). La réalité a montré un homme résolu mais aussi respectueux du pluralisme politique, comme Allende en son temps.
3. Chavez, un démocrate
Contrairement à ses alliés anti-américains, Chavez ne fut jamais tenté par un régime autoritaire. Point d’opposants maltraités comme en Iran, harcelés comme en Russie ou mitraillés comme en Libye. Chavez est en cela un vrai démocrate dans la mesure où toutes les élections qu’il remporta ou rata furent transparentes au regard d’un certain nombre de critères d’égalité minimum des électeurs. Toutes les ONG honnêtes le reconnurent.
Il utilisa surtout massivement l’argent du pétrole pour alphabétiser les pauvres, subventionner des produits alimentaires et redistribuer quelques % du PNB, favorisé en cela par un pétrole cher. Sous ses présidences le taux de participation électorale augmenta sensiblement.
Sous son règne la pauvreté fut presque divisée par deux, de même que la mortalité infantile. Des milliers de médecins cubains soignent dans les quartiers pauvres où les pauvres le sont un peu moins… Mais ces succès sont-ils durables ?
4. Les angles morts du Chavisme
Reste cependant la réalité sensible au terrain : sur place, malgré un bilan social expliquant sa popularité, la situation n’est pas exceptionnelle. Le pays donne plus l’impression d’un émirat chaotique que d’un paradis norvégien. Le pays est par exemple l’un des plus criminogènes du monde ! Dans les grandes villes on y est facilement agressé ou abattu comme en Afrique du Sud ou en Amérique Centrale. Les causes de cette violence sont complexes mais résident tout de même en partie dans la faiblesse de l’Etat qui n’est pas à même de monopoliser la force malgré un recul de la misère.
En effet, c’est peut-être là l’angle mort principal du chavisme : la non réforme d’un Etat dans sa dimension quotidienne : les réformes constitutionnelles l’ont rendu plus moderne et plus démocratique dans la forme, mais pas efficace sur le fond. Les services publics restent peu performants et seuls les médecins cubains ont la réputation d’être efficaces dans le domaine de la santé publique… Il en va de même des différentes polices qui rivalisent d’inefficacité face aux crimes. C’est un peu le syndrome algérien : on arrose une fonction publique pléthorique mais finalement peu au service du quotidien des masses.
De même l’économie reste largement celle d’un « émirat » : le pays ne vit pratiquement que de ses revenus pétroliers (90 % des revenus), comme avant l’arrivée au pouvoir de Chavez.
Redistribuer les terres des immenses propriétés foncières fut une mesure juste mais que sont devenus les lots ? Pas grand chose. Comme en Afrique du sud la justice foncière n’a pas élevé le niveau de vie des ruraux. Le pays exportateur de viande avant 2000 serait même devenu importateur !
Le budget national est très déséquilibré, le pays dépense (par avance) les revenus d’énormes quantité de pétrole avant même que ce dernier soit livré. Quant à l’inflation et au chômage ils restent au niveau de 99 quand Chavez a lancé sa « révolution bolivarienne ».
Aucune amorce de sortie de l’économie de rente n’a été, semble-t-il, tenté et l’endettement est colossal malgré une hausse des prix du brut. Une politique sociale a effet immédiat mais payé par une énorme dette fut d’ailleurs souvent la faiblesse de plusieurs gouvernements progressistes sud-américains d’hier. Reste à savoir ce qu’il en sera demain.
Date de dernière mise à jour : 05/07/2021