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Et pendant ce temps en Libye...
Pourquoi les violences se poursuivent-elles en Libye ?
Kadhafi, traqué sans pitié par l’OTAN a été liquidé en octobre 2011. Cela était présenté comme l’épilogue d’une « guerre humanitaire » autorisée par l’ONU (résolution 1973).
En réalité, la « protection des civils » confiée à Paris et Londres a été outrepassée pour aider les rebelles à battre le gouvernement légal. Un gouvernement Kadhafi qui avait ses défauts mais que l’Occident avait pourtant réintégré avec comme but la vente de marchandises. Ainsi Sarkozy reçu le Colonel avec tous les honneurs dès 2007 avec comme ambition la vente, entre autres, d’une centrale nucléaire (sic).
Mais, profitant de l’onde de choc du printemps arabe, la France et la Grande Bretagne ont organisé une guerre civile en Libye pour rafler les énormes réserves de pétrole et de gaz, et, remettre un pied au Nord de l’Afrique. Zone géographique où l’Occident avait été éjecté dans les années 60.
Aujourd’hui les journalistes sont repartis mais le calme n’est nullement revenu. Le « gouvernement » du CNT n’a aucune autorité sur le pays et les armes circulent dans les quantités astronomiques.
La Libye recolonisée ?
Kadhafi appelait son peuple au soulèvement contre les « croisés et les colons ». Une référence au fait qu’il avait obtenu dans les années 70 le départ des bases militaires britanniques installées après 1945. Or, depuis la fin de son régime nationaliste, une base occidentale (française ? Etats-unienne ?) serait en projet dans le sud du pays. Une façon de surveiller le Sahara mais surtout l’Algérie, autre régime militaro-autoritaire riche en pétrole…De plus, le partage du gâteau pétrolier a commencé… Les combats n’étaient pas achevés que des patrons français débarquaient avec des politiciens de l’UMP afin de préparer les compteurs ! Le CNT aurait promis 30 % des réserves de brut à la France pour payer l’aide massive de Paris dans la victoire.
De plus, le Qatar souhaite aussi sa part du festin. Des tonnes d’armes auraient été livrées à certains insurgés, qui, actuellement, refuse de donner ces armes à une hypothétique nouvelle armée nationale.
Un sanctuaire pour les islamistes armés ?
AQMI, un groupe armé qui pourrait bénéficier de la chute de Kadhafi
Alors que les islamistes non violents gagnent des élections régulières dans les pays libérés de leurs tyrans, la Libye est le seul pays où le djiadisme armé prolifère.
On sait à présent que l’OTAN a pactisé ouvertement avec Belhadj, homme du Qatar et ex représentant d’al Qaïda dans les années 90. Redouté par les groupes armés tribaux il pourrait tout de même être une force militaire autonome et, à terme, incontrôlable.
"Le pays va-t-il devenir un nouvel Irak à deux heures d’avion de Paris ?"
Il en va de même des groupes armés plus ou moins affiliés à AQMI. Ils sont présents en Algérie et au Niger et pourraient investir le sud-libyen ou ponctuellement y trouver refuge, sur place il n’y a plus aucune autorité constituée.
Redoutant les islamistes, Kadhafi avait toujours combattu sans pitié ces groupes, il aida même franchement la CIA et le MI6 après le 11 septembre ; sa chute pourrait compliquer la mutation légale de l’islamisme nord-africain. Le pays va-t-il devenir un nouvel Irak à deux heures d’avion de Paris ?
Un haut degré de violence
Reste que la situation quotidienne des Libyens est critique. Les groupes armés qui ont participé à la fin de l’ancien régime continuent… leur guerre !
Généralement à structure locale et clanique, ces thouwars ou katibas usent et abusent de leur victoire et de leurs armes. Les groupes de Misrata sont les plus redoutés, ils ont ravagés Syrte avant et après la mort du « Guide ». De même les milices de Zitan sont très critiquées à Tripoli où elles squattent depuis la victoire. Il n’est difficile de trouver des témoignages de libyens dénonçant les pillages et le racket des quartiers supposés acquis à l’ancien régime. Des comportements gravissimes qui poursuivent une politique de terreur menée pendant la « libération », en effet, des libyens noirs ou des supposés kadhafistes ont été parfois maltraités, torturés ou carrément massacrés.
De plus, à Bengazhi, des groupes rebelles ont engagés des affrontements à base politique ou tribale. Des échanges de coups de feu sont fréquents et des manifestations quotidiennes ont lieu pour le versement des salaires ou contre telle mesure du gouvernement.
Par ailleurs, dans plusieurs endroits du pays des combats opposent toujours des groupes qui se réclament du Colonel. On parle d’une « armée de libération nationale ». Il peut aussi s’agir de tribus ou d’ex partisans de Kadhafi qui se défendent face aux menaces ou aux exactions des ex groupes rebelles... Cette situation rappellent l’Irak d’après l’invasion américaine quand la résistance commença à se développer dans les régions sunnites exclues du nouveau régime. De même parmi les partisans des USA, des violences importantes eurent lieu (entre factions chiites entre autres).
Loin des caméras, la Libye « libérée » reste une plaie vive. Les vainqueurs n’ont aucun projet politique et s’entredéchirent déjà sur fonds d’ingérences extérieures dignes des années 50 et d'islamisme plus ou moins armée...
Liens :
- "Qui a gagné la guerre en Libye" de P. Haimzadeh, Le Monde Diplomatique.
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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021