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L'Afghanistan en 2009
Que font les soldats français en Afghanistan ?
Août 2008 : 10 jeunes soldats français sont tués en Afghanistan.
La France découvre une sorte de guerre d'Algérie où l'ennemi est partout et qui frappe quand il veut des jeunes français qui ne savent guère ce qu'ils font là.
Prisonnière d'une politique de fidélité aveugle aux USA, Paris se retrouve embourbée dans un pays qui a engloutit en moins de 200 ans les troupes impériales anglaises, les forces soviétiques qui et met en échec les forces spéciales us depuis 2001.
Comme si l'histoire se répétait, B. Obama annonce l'envoi de 20 à 30 000 soldats supplémentaires. Les Soviétiques en leur temps firent de même avec le résultat qu'on connaît.
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- Qui sont les Talibans ?
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L'Afghanistan est un pays anéanti. Depuis 1979 le pays subit une guerre ininterrompue dont la violence varie selon les périodes et les lieux.
Mais avant même l'invasion soviétique le pays souffre de son isolement géographique et de son relief montagneux qui ralentissent et compliquent son développement social. Dans les villes une certaine modernité sociale et politique se développe. Les élites sont sensibles aux idées venues d'Occident comme le libéralisme ou le marxisme, mais dans les régions rurales, la coutume et le poids du féodalisme ralentissent les changements nécessaires au pays.
L'invasion soviétique ne fait qu'aggraver le fossé entre des élites modernes et parfois favorables aux Communistes et un pays réel qui se soulève contre une agression extérieure aussi incomprise que brutale. Utilisant l'islam sunnite (qui est le seul facteur d'unité du pays) les résistants combattent les Soviétiques avec l'aide massive des pays musulmans et des USA, alors alliés contre le communisme athée...
En 1989, quand Gorbatchev ordonne le retrait des troupes il n'y a que des perdants : l'URSS est sur le déclin, ses 120 000 hommes n'ont pas remporté la victoire malgré des méthodes brutales, les élites afghanes sont plus que jamais en porte-à-faux avec le pays réel et les résistants s'apprêtent à se livrer une guerre civile terrible pour le pouvoir en révélant leur vrai visage : celui de l'intégrisme religieux.
Finalement l'arrivée des Talibans (au pouvoir de 1996 à 2001) est le début d'une très relative période paix et d'éradication de la culture du pavot, source financière habituelle des groupes armés. Le pays ne sort pourtant nullement du sous-développement et de la misère. A cette période les Afghans sont même périodiquement menacés de famine...
Deux décennies de conflits armés avec à la fois des guerres internes et des invasions extérieures ont ruiné le pays, fait fuir les élites et anéanti toute la modernisation du pays. Quand les USA envahissent le pays en 2001 la situation est plus critique que jamais.
Pas étonnant qu'en vivant dans les conditions du Moyen Age les gens raisonnent comme au Moyen Age.
Le mouvement Taliban est à la jonction de trois influences majeurs en Afghanistan. Tout d'abord le mouvement est composé d'Afghans pasthounes, c'est à dire l'ethnie majoritaire dans le pays. Ensuite le mouvement est animé par une idéologie islamiste au carrefour entre le wahabisme et un courant du soufisme (dit déobandi), ils ont une vision " rurale " de l'islam, c'est à dire non seulement intégriste mais surtout sans aucune espèce de subtilité. Le troisième élément de l'identité talibane est l'aide massive du Pakistan qui a laissé le mouvement se développer et contrôler les réfugiés afghans installés à sa frontière. Ce sont les services secrets pakistanais (l'ISI) qui ont organisé, aidé et utilisé les Talibans dans leur prise de pouvoir en 1996 jusqu'à leur renversement en 2001. Le but était d'organiser un glacis sous influence et d'avoir une influence déterminante sur place. Rappelons que des pasthounes peuplent les deux pays.
Le mouvement n'a rien d'une organisation léniniste. C'est une confédération de chefs locaux et de mollahs à la tête de troupes éparses et sans réelle coordination. Il existe donc, dès l'origine du mouvement, plusieurs courants peu identifiables vu d'Occident mais qui s'expriment dans les conseils périodiques qui discutent des grandes questions du mouvement.
Ainsi existe-t-il dès avant 2001 certaines personnalités hostiles à al-Qaïda et volontiers favorables à un accord avec les Occidentaux, un accord qui pourrait être négocié par l'intermédiaire du parrain pakistanais. Ainsi avant le 11 septembre les Talibans ont entretenus des relations assez soutenues avec les USA qui étaient intéressés par un gouvernement fort et stable à Kaboul, en effet, l'Afghanistan est une zone de transit pour le pétrole et Washington souhaitait ne pas passer par la Russie pour déplacer le brut... Les Talibans, aidés par le Pakistan (autre allié des USA), étaient donc des partenaires presque naturels sous l'ère Clinton. Les USA, peu inquiétés par Ben Laden étaient donc disposés à un accord. Le 11 septembre 2001 a tout changé. Les USA arment alors massivement les opposants des Talibans (les Afghans non pasthounes) et bombardent copieusement le pays au mépris des populations civiles.
Dégoûtés par un gouvernement inefficace et intégriste une bonne partie de la population abandonne tout soutien aux Talibans qui se dissolvent : le gros de leurs troupes sont capturées ou liquidées par des chefs de guerre pro occidentaux. Certains chefs réussissent à se cacher et des combattants se cachent dans leur village, à l'ombre de leur clan en attendant la suite.
Mais le gouvernement installé par les Occidentaux ne remplit aucune de ses promesses : composés de chefs de guerre violents et corrompus, les nouveaux maîtres de Kaboul apparaissent vite comme une engeance peut-être moins intégriste que les Talibans mais surtout plus inefficaces encore et surtout au service des USA qui, en traquant Ben Laden, multiplient les bavures et autres massacres de civils.
Peu prudents et peu respectueux des ruraux les Américains se mettent à dos de plus en plus de clans pasthounes qui, en réaction, voient avec de plus en plus de bienveillance le retour des Talibans, à la fois avocat de la domination pasthoune et incarnation de l'insurgé rebelle aux envahisseurs étrangers. Un classique dans ce pays aux mœurs farouches qui a refoulé Britanniques et Soviétiques en moins de deux siècles...
Les guérillas du XX°s et l'invasion de l'Irak ont montré qu'aucune force d'invasion pourtant supérieure en armes ne peut venir à bout d'un mouvement insurrectionnel qui jouit de complicités locales.
La guerre du Vietnam et plus encore l'infortune soviétique en Afghanistan 10 années durant sont des preuves que les Américains sont déjà perdus dans les montagnes et les déserts afghans. Leurs craintes légitimes de perdre des hommes les poussent à une guerre aérienne qui multiplie les victimes civiles innocentes et décuple, en réaction, la tolérance ou le franc soutien aux Talibans qui agrègent autour d'eux des populations qui n'ont aucune confiance dans les Occidentaux et leurs agents.
De plus, certains réseaux intégristes au Pakistan soutiennent la lutte des Talibans vu que les militaires pakistanais ont au moins partiellement renoncé à utiliser les intégristes islamistes comme instrument de leur politique étrangère. Certains de ces militants sont donc entré en rébellion et agissent comme terroristes en Inde et comme guérilleros dans les zones pasthounes pakistanaises.
L'année 2005 marque un tournant, depuis cette date la situation n'a cessé de se dégrader. De plus, l'Iran a aussi décidé de parasiter la présence occidentale en la dénonçant via ses réseaux chiites afghans. Résultat, en 2008 environ les ¾ du pays subit la présence les Talibans alors qu'en 2007 environ 50 % du pays était touché.
Il est donc devenu évident que l'intervention occidentale est devenue une sorte d'occupation violente dans les zones pasthounes alors qu'un calme relatif règne dans les zones non pasthounes où des chefs de guerre peu recommandables assurent un certain ordre en échange d'une non intervention des Occidentaux dans le trafic de drogue qui remplit leurs caisses.
Le scénario qui a coûté sa puissance à l'URSS est de nouveau à l'œuvre : des forces étrangères de plus en plus violentes sont mal perçues par des populations acquises à un conservatisme protecteur et tribal.
Alors qu'une négociation sur la base de la culture locale serait une solution avec la liquidation des cadres d'al Qaïda comme enjeu, les Américains semblent décidés à faire monter les enchères militaires. Avec quel résultat ? Une guerre des sables sans issue sinon des pertes militaires comme celles qui a coûté la vie à 10 soldats français en août 2008 car les convois occidentaux vont rester des cibles faciles pour les Talibans ou leurs alliés qui sont chaque jour plus nombreux...
Autres textes sur l'Afghanistan :
http://quefaire.e-monsite.com/rubrique,chevalerias-et-l-afghanistan,223821.html
http://quefaire.e-monsite.com/rubrique,sortir-d-afghanistan,210778.html
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021