Un pays incontestablement proche de la culture russe
Ne nous y trompons pas, Poutine a franchi un cap en attaquant l'Ukraine. En effet, malgré le fait que l'OTAN n'a cessé d'avancer après la chute de l'URSS, la guerre actuelle est un signe funeste pour l'avenir de la région. Rappelons que l'Europe orientale a longtemps été le théâtre d'affrontements civils ou impériaux sinistres pour les populations...
la Russie vit très mal l'élargissement de l'OTAN à l'est
Quand Poutine arrive au pouvoir à Moscou en 2000 le pays est ruiné par la "transition" post-communiste, l'ex agent du KGB commence alors un lent travail de remise en état de la Russie qui est, après 91, en profond déclin économique et démographique. Or la même Russie vit très mal l'élargissement de l'OTAN à l'est qui succède à la guerre contre la Yougoslavie en 1999. Doit-elle se passer définitivement de ses territoires d'influence ? Ou doit-elle restaurer une glacis en faisant pression sur "l'étranger proche" (les ex républiques soviétiques) ? La première guerre de Tchéchénie sous Eltsine a été un désastre... Or la seconde, menée cette fois-ci par Poutine, est un succès : au prix de violences sans limites contre les civils la province est dévastée, les indépendantistes liquidés et un pouvoir pro-russe installé. Il en sera de même en Géorgie en 2008 quand des républiques séparatistes sous influence russe (l'Ossétie du Sud et l'Adjarie) sont protégées par l'armée russe qui intervient pour casser l'Etat géorgien indépendant et hostile.
En 2008 la Russie satellise la Géorgie
Puis en 2014 la même mécanique est à l'oeuvre en Ukraine : soutien aux séparatistes pro-russes à l'est et annexion de la Crimée. Dès lors la guerre actuelle est la suite logique de cette stratégie de "défense" qui veut que la Russie intervienne dans sa zone d'influence impériale traditionnelle. Il est donc possible qu'un pouvoir pro-russe comme jadis ou un gouvernement ukrainien exsangue succède aux autorités actuelles. Rappelons qu'en Syrie, à la demande d'alliés sans scrupules, Moscou a massivement utilisé la force contre les opposants et les civils. L'armée russe n'a nullement intégré la protection des civils comme priorité pas plus aujourd'hui qu'hier...
en Syrie Moscou a massivement utilisé la force contre des civils
Pour les Européens et les Américains c'est donc l'heure du choix : soit ils laissent Poutine avancer ses pions dans "sa" zone, soit ils lui font payer un prix économique exorbitant. Or les sanctions envisagées coûteront cher à la Russie et tout autant à l'Europe ! En effet la Russie n'exporte que des produits énergétiques et nous en avons tous besoin. La non décarbonnation de nos économies nous lie encore à nos fournisseurs de brut et ruiner la Russie en se passant de son gaz fera exploser le coût de notre énergie tandis que les pénuries seront à prévoir... Qui dans une Europe déjà sous pression inflationniste acceptera politiquement de payer la facture ? De plus les oligarques russes -comme leurs homologues saoudiens ou qataris- ont pénétré la finance internationale, les écarter des affaires coûterait cher aux banques euro-américaines. Et qui dit que les banques suisses ou asiatiques appliqueraient les sanctions ?
la méfiance générale de la population vis-à-vis d'un Etat qui reste inefficace, corrompu et incapable
Comment, dès lors, arriver à un équilibre, à un nouveau Yalta sans sacrifier les peuples ? Car le modèle politique russe n'a rien à envier à celui des tsars : après avoir restauré un semblant d'Etat, Poutine et son entourage se sont servis et ont perpétué le vieux modèle de l'aristocratie réactionnaire. Navalny affirme que cette guerre est une gigantesque opération de diversion. C'est fort possible. Depuis des années les libertés sous restreintes voir supprimées et les opposants sont persécutés, baîllonnés, assassinés... Un logiciel stalinien qui est peu porteur d'avenir. Dans la population on adhère par défaut à la propagande à la fois nationaliste et religieuse qui n'arrive pas à dissiper la méfiance générale de la population vis-à-vis d'un Etat qui reste inefficace, corrompu et généralement incapable comme pendant la crise sanitaire...
En Ukraine, c'est presque la même chose : la démocratie formelle n'a en rien augmenté le niveau de vie ou rénové le pays qui demeure en krach démographique profond... Le pays n'est pas dirigé par des Nazis (dixit Poutine) mais plutôt par des incapables notoires.
Reste donc à attendre que les armes aient cessé de parler et que la nouvelle guerre froide se stabilise en attendant la succession de Poutine (qui a 70 ans) et qui ne veut choisir personne pour continuer son oeuvre. Comme Staline en son temps.
Lien : 2014, Poutine a raison, mais...