Entretien de Terouga avec Alain SORAL, Mars 2005
Pour la rédaction de “Que Faire”, Alain Soral est sans doute l’intellectuel qui a le plus renouvelé le discours politique républicain depuis 20 ans.
Après quelques livres sociologiques (Les mouvements de mode expliqués aux parents, 1984, Sociologie du dragueur ,2000, Vers la féminisation, 1999), il a été plus politique dans Jusqu’où va-t-on descendre ? (2002) et Socrate à St Tropez (2003). Si ces deux livres l’ont fait sortir de l’anonymat pour nous autres, ils lui ont aussi valu les pires attaques des réseaux les plus oligarchiques qui soient (socialistes, sionistes, militants communautaires...). Son dernier ouvrage : Misères du désir (2004).
Marxiste, républicain, penseur résolument indépendant Alain Soral a accepté de répondre à nos questions.
Si, comme nous, vous voulez aller plus loin dans les sujets abordés, achetez et lisez ses livres ! Vous aiderez un homme libre dans une maison d’édition indépendante...
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Son site : http://www.alainsoral.net/index.htm
Votre livre, Jusqu’où va-t-on descendre ?, qui a brisé votre anonymat médiatique, était dédié à Jean-Pierre Chevènement. Pourquoi ne pas avoir rallié son parti ?
- Brisé mon anonymat médiatique, vous me vexez ! Je m'étais déjà fait connaître dans les années 80 avec Les Mouvements de mode expliqués aux parents qui fut un best seller, puis avec Sociologie du dragueur qui connut un certain succès dans les années 90 (d'ailleurs aujourd'hui réédité en poche). Jusqu'où va-t-on descendre ? a surtout fait de moi un auteur plus politique et un acteur du débat, alors que j'étais jusque-là un spectateur sociologue. Jusqu'où va-t-on descendre ? C’est surtout le livre qui a brisé ma tranquillité médiatique !
Pour revenir à votre question, "pourquoi je n'ai pas rallié le parti de Jean-Pierre Chevènement ?" Parce que j'ai compris assez vite qu'il ne couperait pas les ponts avec le Parti Socialiste, et que tous ses beaux discours républicains, qui fleuraient bon Valmy, finiraient en "ramasse voix" pour Lionel Jospin. Je n'ai rien en particulier contre Jospin, mais je n'avais aucune envie que ma voix citoyenne finisse dans l'escarcelle des "li-li-bo-bos" de la rue de Solferino !
Saint-Just disait : "Celui qui fait sa révolution à moitié creuse son propre tombeau", et c'est exactement ce qui est arrivé à ce pauvre Chevènement. C'est regrettable mais conforme à l'Histoire : quand on veut devenir Brutus, on ne demande pas la permission à César !
Malgré vos analyses très percutantes sur l’Europe et le déclin de la république française vous avez décidé de ne pas participer à la campagne pour le NON au référendum, pourquoi ce choix ?
- Du temps où j'étais encarté au PCF, j'avais fait campagne pour le "non" à Maastricht, ce genre de travail militant demande une certaine dose d'énergie juvénile et j'avoue que je ne me sens plus assez naïf aujourd'hui pour ce genre d'engagement... Comme mes trois ou quatre derniers livres constituent déjà une campagne permanente pour le "non" et que je ne me sens suffisamment proche d'aucun parti pour lui apporter ma voix, je me contenterai donc d'aller voter "non" tout seul, en espérant que le plus possible de "floués de l'Europe" réagiront comme moi.
Vos idées républicaines ont-elles une chance de s’imposer en dehors de toute organisation politique ?
- Je ne veux pas les imposer, j'aimerais qu'elles cheminent et qu'elles aident à la prise de conscience, en attendant le moment historique favorable à l'engagement et à l'action. Pour l'heure, il me semble que c'est encore un peu tôt...
Dans Socrate à Saint-Tropez, vous égratignez aussi la franc-maçonnerie, pourquoi ?
- Je le fais assez peu, et seulement à travers ma réflexion récente sur les "réseaux".
En tant que sociologue marxiste, j'ai beaucoup réfléchi sur les forces, telle la logique du Capital, les constantes anthropologiques - dans Vers la féminisation ? Notamment -, avec cette distance démiurgique un peu universitaire qui exprime aussi, sans doute, le mépris inconscient de l'homme instruit pour le quidam et sa vision naïve de la politique, réduite à des duels d'hommes : De Gaulle contre Mitterrand, Sarkozy contre Chirac... Une question de prise de distance qui m'a amené, justement, à me poser la question de la "bonne distance" pour évaluer la politique à échelle humaine, celle sur laquelle nous pouvons agir et que nous subissons : ni nouménale comme la logique du mode de production, ni romanesque comme l'histoire racontée par Alain Decaux ! Et il me semble que cette bonne distance, c'est celle des réseaux, et parmi ces réseaux, la franc-maçonnerie...
Le discours critique sur la franc-maçonnerie étant une tradition d'extrême-droite - disons le point de vu aigri du clergé catholique spolié par son équivalent et successeur laïque- la pensée de gauche n'a pas jugé bon de produire une analyse critique "de gauche" de ces structures de pouvoir occulte. Il serait donc temps qu'elle s'y mette !
À moins que son silence sur la question soit la preuve qu'en dehors des pouvoirs abstraits - telle la logique du capital -, on ne peut bien parler que des pouvoirs faibles, en déclin, disparus... et rarement de celui dont on dépend; que le vrai pouvoir, en somme, est donc, par définition, celui qu'il est dangereux de critiquer, comme Dieudonné vient, à ses dépends, de nous le démontrer...
Nous sommes portés à croire que les accusations d'"antisémitisme" que portent les sionistes (et les politiciens « bien-pensants » ) contre vous et Dieudonné visent surtout à vous enfermer dans une polémique sans intérêt, au détriment des vrais enjeux. Qu'en pensez-vous, et comment déjouer ce piège ?
- Il se trouve que je viens juste d'être qualifié "d'écrivain antisémite" dans Le Nouvel Observateur par un certain Askolovitch. Or ce journaliste - c'est sa profession - sait fort bien que des huit livres que j'ai publiés, sans parler des centaines d'articles, aucun n'a jamais été seulement attaqué pour antisémitisme et pour cause : outre qu'ils traitent de sujets aussi variés que la drague, les femmes, la mode, la misère... ils se réclament tous de grands intellectuels juifs tels que Marx, Lukacs, Politzer, Goldmann... La question est donc de savoir pourquoi ce monsieur Askolovitch s'est permis cette diffamation ?
Renseignement pris auprès de mes amis de la "communauté", cet apparatchik du PS particulièrement obtus entretiendrait une relation pathologique sur le sujet pour des raisons psychanalytiques (il serait le fils d'un des fondateurs historique du CRIF et se sentirait investi d'une sorte de mission filiale...). Pour résumer sa personnalité, mes amis l'ont fait courte en concluant que "c'était un con". D'où son utilisation par le parti pour disqualifier les gêneurs tels que moi... Me faire porter l'étoile en quelque sorte ! Vous comprenez bien que sur le plan politique, me rendre ininvitable dans les médias, pour cause de vérole, est beaucoup plus efficace, à court terme, que de me porter la contradiction.
Ce que cet apparatchik communautaire ne peut ontologiquement pas comprendre, c'est que je puisse ne rouler pour personne. Même quand je m'exprime mal, parce qu'on me piège dans un bistrot, dans Complément d'enquête par exemple (il fallait bien y revenir !), je fais mon boulot d'intellectuel. Je n'ai rien de particulier à gagner à critiquer certaines dérives communautaires chez les féministes, les gays, les arabes ou les juifs... J'essaie seulement de comprendre, de prévoir... et de prévenir, quitte à prendre des risques ! Ensuite, face à mon impuissance d'homme seul n'ayant que sa tête et sa parole, j'attends de voir si l'avenir me donne raison...
Si vous lisez mes livres - ce que ne doit pas faire ce monsieur Askolovitch, ça le générait sans doute pour ses diffamations - vous constaterez que je me suis assez peu trompé depuis vingt ans que je publie sur les sujets que j'ai abordés. Ce qu'admet d'ailleurs avec fair-play un autre journaliste bien plus respectable comme Jean-François Kahn. Ce dont s'est très bien rendu compte aussi Alain Minc, qui me pille allégrement, lui ou son nègre, depuis deux ou trois livres !
Alors comment déjouer ce piège dites-vous ? Peut-être en sautant dedans à pieds joints ! À force de faire semblant de ne pas trembler, la peur finira t-elle par disparaître ?
Je ne vois pas d'autre solution.
Selon vous que représente le cas Sarkozy ? Une tentative néo-conservatrice française ou un nouvelle baudruche sans avenir ?
- Sarkozy représente pour moi une étape de plus dans le renoncement de la France à elle-même, après l'étape Mitterrand, si l'on se réfère à l'étalon de l'attitude gaullienne éternelle...
Ceci dit, je ne pense pas que Sarkozy soit une baudruche, ni même qu'il soit néo-quoi que ce soit ! Il s'est juste froidement soumis et acoquiné aux réseaux les plus puissants du moment, dans le but purement narcissique d'aller au pouvoir. Son attitude envers les musulmans, Israël, l'Amérique... ne correspond à aucune vision du monde, juste à un positionnement tactique, d'ailleurs fort peu cohérent, révisable à tout moment. Il y avait encore de la perversité littéraire chez Mitterrand, cette vieille odeur de province française... Avec Sarkozy, ça pue carrément la banlieue ouest ! On nage en pleine stratégie de com. d'école de commerce ! Comparé à ce bouging à l'américaine avec Cécilia promise au job de première dame de France, même Chirac, flanqué de son Villepin, incarne encore une certaine idée de la France ! Prions pour que Jeanne d'Arc nous épargne ça !
Quelles conclusions tirez-vous de votre "compagnonnage" avec le site oumma.com et la liste "euro-Palestine" ? Cela vous dégoûte-t-il définitivement de la politique ?
- Ce compagnonnage, dans la réalité, a consisté en des échanges Internet courtois, comme avec vous en ce moment, les musulmans d'Oumma avaient aimé Socrate à St-Tropez et Misères du désir et ont voulu les promouvoir. Vue l'omerta que je subis, j'ai donc accepté deux interviews sur leur site. Lisez-les, ça n'a rien d'une conversion à l'islam ! Juste un échange fondé sur l'intelligence, l'espoir et le respect.
Euro-Palestine, c'est encore mieux dans le peu! J'y suis allé une seule fois, en touriste (une jolie beurette était venue me chercher en voiture, ce qui fut déterminant!) et là, j'ai lu poliment le texte que me tendait madame Zemor. Disons que monter à la tribune, sentir l'adhésion de la foule fut pour moi une sorte de test... pour plus tard !
J'ai bien conscience que de prendre les choses autant à la légères, disons sur le seul plan des idées, face à des enjeux actuellement si lourds - rien de moins en toile de fond que le découpage complet du Moyen-Orient - ne pouvait que m'attirer des ennuis, mais j'assume, je n'avais pas à refuser des mains tendues... Ceux qui m'ont fermés les leurs, quand je m'adressais à eux avec la même chaleur, n'avaient qu'à mieux se comporter...
Pas dégoûté de la politique, donc, juste plus conscient de ce que la politique politicienne, sous nos climats et à notre époque marchande, peut comprendre d'ennuyeux et de médiocre. Dans ce domaine aussi je suis un marginal : trop politique pour un artiste, trop artiste pour un politique...
Plus que jamais la France angoisse (tyrannie patronale, communautarismes, délocalisations, chômage...) d’après vous d’où partira l’étincelle ?
- Sans doute de là où on s'y attend le moins ! Ce qui est sûr c'est que tous les signaux sont au rouge et qu'il n'y a aucune raison pour qu'ils repassent au vert !
Pour jouer les prophètes, je pense que l'étincelle qui fera basculer la France nous viendra...des États Unis !
Un pronostic sur le référendum ?
- Si les Français vont au bout de leur inquiétude et de leur défiance, compte tenus des mauvais chiffres de l'emploi et de l'absence totale de projet européen, autre que monétariste et financier, le "non" devrait l'emporter.
Mais je compte bien sur tous les valets du pouvoir, de gauche comme de droite, pour nous offrir toutes sortes de désinformations et autres manipulations !
Vous travaillez sur un roman tragi-comique, peut-on en savoir plus ?
- Je cherche, dans la tradition du roman bourgeois, à exprimer cette réalité contemporaine angoissante et risible par l'exemple et la métaphore; une sorte de mariage gay sur fond de guerre du golfe ! Conscient que je suis allé, avec l'essai, à l'extrême limite de là où je pouvais aller et que, face à mon impuissance politique, seul la création artistique peut me permettre de rester vivant sans désespérer.
La vie continue donc...