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L'émeute d'avril 1789

 

1. Une première tuerie, l’émeute d’avril 1789

L’émeute parisienne d’avril 1789 n’éclate pas dans un ciel serein.

Tout le royaume vit au rythme de la crise financière qui dégénère périodiquement en crise politique. Aux affaires depuis quinze ans Louis XVI échoue à réformer son royaume. Les privilégiés de toutes catégories se coalisent régulièrement pour faire échouer ses projets d’impôts mieux répartis. Louis XV échoua aussi en 1749 sur la même question.

Le dernier échec de Louis XVI date de 1787 quand « l’assemblée des notables » -tous choisis par le roi- rejette, elle aussi, l’idée d’impôts payés par les privilégiés… On s’achemine alors vers la convocation des Etats Généraux, dernier rendez-vous politique avant la cessation de paiement du royaume.

Dans les élites on réalise l’ampleur du problème et les changements nécessaires. Surtout après la révolution américaine qui ouvre la porte à d’autres expériences politiques. Les voyages de l’anglais A. Young confirme cette appréhension chez tous les notables de Province.

Chez les gens ordinaires, pas toujours très informés des détails de cette crise, on ne perçoit généralement qu’un bruit de fond polémique. Le ralentissement de l’économie pousse certains à fustiger les privilégiés et aussi les riches en général. Certaines fortunes mènent en effet grand train alors que les masses laborieuses des grandes villes survivent au gré du prix des grains. Or si les famines ont disparues les approvisionnements ne sont pas toujours très assurés. En 1775 déjà un projet de libéralisation du commerce des grains avait dégénéré en violences : « la guerre des farines ». Le cocktail rumeurs, opposition sociale et angoisses alimentaires avait fait échoué le ministère Turgot pourtant résolu à réformer le royaume.

Si les salaires suivent les cours du blé la population reste calme mais si il y a décalage alors la tension monte car les violences de rue, même rares, peuvent être subites et incontrôlables. A Paris la police secrète surveille les agitateurs politiques mais il y a finalement peu de forces de polices régulières pour faire face à une révolte spontanée des gens de peu. Généralement une rumeur déclenche une peur de la répression ou de la famine, angoisses très présentes parmi les populations fragilisées et récemment arrivées en ville.

En 1789 Jean-Baptiste Réveillon fait parti des nouveaux riches.
C’est un ancien ouvrier qui a fait fortune en produisant du papier peint, nouveau produit de luxe dans les intérieurs bourgeois. Il emploie trois cents ouvriers et se fait bâtir une riche demeure non loin de ses ateliers, dans le faubourg Saint-Antoine, la folie Titon.

Face au ralentissement économique de la fin des années 1780 les salaires coûtent cher. Réveillon aurait parlé de baisser les salaires et le prix du pain pour faire face aux difficultés de son entreprise. Ses propos auraient été tenus lors de réunions politiques de district. Devant l’impossibilité de baisser par décrets le prix du blé ses ouvriers redoutent qu’il décide de baisser les salaires de moitié pour rester compétitif !
Angoissés par une hausse continue du prix du pain depuis des mois des ouvriers manifestent et brûlent son effigie place de Grève (26 avril). La révolte est lancée ! Une trentaine de gardes françaises dispersent le premier attroupement. Aucune force de police supplémentaire n’est sur place. On jugera cette négligence surprenante voire suspecte.

Le 27 avril les ateliers sont pillés et la propriété de Réveillon ravagée par environ 2 000 émeutiers. Dans le quartier on est plus spectateur qu’acteur de ces désordres. Au début il y a peu de blessés, pas de morts, c’est l’émeute classique de l’ancien régime où la violence sert de défouloir au mécontentement sans revendication politique. Le pillage sert de « redistribution » en attendant l’inévitable répression.
Celle-ci débute le 28 avril.

les soldats tirent et font entre 200 et 500 morts

 

Quand la troupe intervient c’est tout le quartier qui lance tuiles, meubles et projectiles divers contre les soldats. Ces derniers, qui compteront 12 tués et des dizaines de blessés, tirent et font entre 200 et 500 morts parmi les manifestants. Un chiffre très élevé pour l’époque ! Les violences de rue sous Louis XV ne firent jamais un tel carnage.

On raconte que les troupes sont intervenues à l’intérieur de la propriété de Réveillon… Hasard ? Nécessité ? Volonté de faire un exemple ? Toutes les rumeurs sont bonnes pour expliquer ce massacre…

Le calme revient immédiatement. Seul ce quartier fut touché et aucun slogan anti-monarchique ne fut entendu. La majorité de la population n’a pas vraiment bougé… La révolution n’a pas encore débuté et cet épisode sanglant rappelle la « journée des tuiles », une autre agitation populaire à Grenoble en 1788. Le 7 juin des Grenoblois repoussent des soldats du roi venus faire pression sur le parlement local. Les violences ne font « que » 3 morts parmi la population sans doute du fait du retrait des soldats qui refusent l’affrontement et quittent même la ville plusieurs jours. En avril 1789 c’est l’inverse : la troupe a utilisé massivement les armes.

La révolution n’a pas encore commencé et cette première tuerie s’inscrit plus dans l’ancien régime -même finissant- que dans les évènements à venir. Seule l’ampleur du nombre de victimes en fait un événement.
Comme toujours les rumeurs les plus infondées mais les plus révélatrices des mentalités politiques circulent : on accuse le duc d’Orléans, cousin de Louis XVI, d’être derrière les émeutiers. Aussi insensé que cela puisse paraître on le soupçonne de vouloir gêner et remplacer le roi en difficulté. Aucun élément ne viendra jamais prouver cette thèse même si Orléans fera de la politique contre son illustre cousin.

De bonne guerre aussi : on accuse l’Angleterre, défaite en 1783 par les Français et les Etats-Uniens. Là aussi, aucune preuve ne vient confirmer l’implication de Londres qui entretient des espions à Paris, mais ses agents ne quittent pas les salons.

On parle aussi d’un débiteur de Réveillon qui aurait voulu se venger…

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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