3. La « grande Peur » de l’été 1789
La « grande Peur » est peut-être l’épisode de l’année 1789 qui a concerné le plus de Français. Il a été aussi le moins meurtrier de la révolution.
En effet les deux tiers de la France rurale
ont été touchés par des rumeurs
En effet les deux tiers de la France rurale ont été touchés par des rumeurs de « bandits » et de « vagabonds » menaçant les récoltes. Agités et angoissés les paysans se sont vite organisés en milices d’autodéfense avant de faire pression sur les nobles locaux. Informés de ces évènements flous et inquiétants les députés de la jeune assemblée ont alors -sur proposition des privilégiés- voté la fin légale des privilèges (le rachat possible des droits seigneuriaux pour être précis).
Si cette peur rurale aboutit à un nouveau démantèlement de l’ancien régime, force est de constater que cette panique inorganisée a tous les traits de la révolte rurale assez courante dans la France d’avant 1789. L’interprétation anti-aristocratique a été rapide mais ne semble correspondre à la réalité du terrain. (voir le livre de référence de Georges Lefebvre en 1932).
Au pire des châteaux vont brûler et des nobles être intimidés, mais la « grande Peur » ne fera que peu ou pas de victimes.
Elle reste tout de même un exemple gigantesque de la peur collective comme force motrice des groupes sociaux. Et c’est cette force des ruraux en attente de réformes significatives qui fera avancer les changements à l’assemblée et surtout sur le terrain. Mobilisés une fois pour la défense immédiate de leurs intérêts certains paysans sauront régulièrement se mobiliser quand les évènements évolueront.
la peur sert de carburant aux violences sociales
A la base de ce mouvement : la peur rurale des ennemis traditionnels des paysans : les « bandits » (occurrence qui revient le plus souvent dans les témoignages écrits directs). Les sources de l’été 89 signalent en effet des rumeurs indiquant que des bandits sont armés et nombreux dans les parages. Ils avancent avec dans l’idée de brûler les blés et donc de détruire les récoltes. Plus tard les « bandits » seront remplacés par les nobles sensés être les spéculateurs intéressés à faire monter les prix en brûlant les champs (sic). Dans un contexte général de hausse des prix et de craintes de famines cette menace est un véritable cauchemar pour la majorité des Français… Comme le 14 juillet avec les mercenaires la peur sert de carburant aux violences sociales.
Il n’en faut pas plus pour paniquer des centaines de villages et imaginer carrément des troupes étrangères (dans les régions frontalières) en lieu et place des bandits... Comme souvent les Anglais sont signalés dans le voisinage même si aucun témoin direct ne sera jamais entendu.
Ce mouvement se répand comme une traînée de poudre dans une France rurale où on attend les changements depuis des années sans voir dans l’Etat et ses agents autre chose que des parasites. G. Lefebvre signale dans son célèbre travail que les violences répondirent parfois à des enjeux locaux ou furent la suite d’épisodes récents.
Secouées quelques jours par des mouvements imprévus les campagnes retrouvèrent vite leur calme dans l’attente du travail de l’assemblée nationale.
Les lourds impôts n’amélioraient que peu le quotidien des ruraux. Certes on réalise des routes qui sont admirées dans toute l’Europe mais le commerce reste entravé par de multiples péages.
La lourdeur fiscale ne finance pas non plus la sécurité : les forces de sécurité sont inexistantes en temps de paix et les seigneurs sont rarement des vigiles efficaces. La délinquance bien réelle des bandits et autres vagabonds reste une menace virtuelle en 1789 mais perçue comme réelle.
Logique que le noble et le bandit, deux figures rurales qui gênent le paysan moyen soient associés dans cette « grande Peur » qui fit peu de morts mais qui laissa la noblesse dénudée symboliquement.
Courte, inorganisée et ambiguë, cette révolte fut, comme le 14 juillet, une victoire facile et sans répression pour le peuple.
Quant au roi, figure paternaliste sensé nourrir le bon peuple, il était encore aux abonnés absents.