Jacques Rossi arrêté
Etrange destin que celui de Jacques Rossi ! Né en 1909 et mort en 2004 il aura, en presque un siècle, été le témoin du XX°s, de ses espoirs nouveaux comme de ses pires crimes.
Révolté par les injustices criantes de la Pologne des années 20-30 (il est franco-polonais), il s'engage dans le Parti communiste polonais clandestin. Doué dans bien des domaines et surtout en langues il devient un agent de liaison du Komintern, la tête moscovite qui pilote les PC de l'Europe entière. A cette époque peu comprenne que le Komintern créé par Lénine en 1919 est davantage un instrument du pouvoir soviétique qu'une machine à libérer les peuples. J. Rossi est de ces naïfs qui vouent leurs vies à l'URSS... Condamné une fois en Pologne pour propagande communiste il quitte le pays et traverse l'Europe de part en part sous de fausses identités les mains pleines de messages secrets destinés à d'autres agents...
Mais la roue de l'Histoire tourne : en URSS Staline installe son pouvoir dans une ambiance paranoïaque et sanguinaire. Rossi est alors ravi que l'URSS se défende contre les "traîtres", des inconnus comme des chefs communistes brutalement jugés et liquidés. Il a la foi.
il est aussitôt arrêté
1937 : alors en Espagne comme agent R. Rossi est rappelé subitement au "village" (comprendre le siège du Komintern à Moscou), il est aussitôt arrêté. On le somme de dire au bénéfice de qui il a trahit ! Croyant pendant un certain temps à une erreur il lui faudra des années pour réaliser que l'URSS de Staline n'est rien d'autre qu'une vaste prison à ciel ouvert où une clique écrase tout et tout le monde pour s'imposer. Une guerre civile à l'intensité variable qui durera au moins jusqu'aux années 50. En 1938 par exemple environ 750 000 personnes sont fusillés tandis que des millions d'autres sont déportés. Les communistes étrangers -comme Rossi- sont particulièrement visés. Le but ? Terroriser la population face aux périls intérieurs mais surtout extérieurs...
J. Rossi, comme des millions d'autres plonge alors dans le continent du Goulag : un temps en prison, des années en camps et encore un moment "relégué". Finalement il revient en France en 1985 et débute une oeuvre de compréhension et de témoignage du communisme sans filtre.
Par exemple Qu'elle était belle cette utopie relate des souvenirs quotidiens du Goulag, une somme poétique et tragique sur la condition humaine sa noirceur, sa médiocrité comme sa puissance vitale. Au Goulag il rencontrera des milliers de gens différents des prisonniers politiques comme lui mais aussi d'authentiques truands. Il y eu aussi quantité d'étrangers eux aussi enlevés par le système soviétique ainsi Rossi fut-il très à l'aise avec les prisonniers japonais, de vrais gentlemen du camp ! Il y eu aussi ce chinois communiste qui, du côté des Nationalistes anti-communistes faisait de l'infiltration. Un jour, apprenant que les troupes allaient attaquer les Communistes soviétiques il déserte pour prévenir ses camarades. Ravis de l'information les Russes attaquent les premiers et massacrent tout le monde y compris les autres communistes chinois infiltrés ! Le déserteur aura des années de Goulag pour méditer la morale de cette histoire. Communiste ou pas les Etats sont les plus froids des monstres froids disait Nietzsch...