1944, l'horreur sans fin
L'historien britannique Ian Kershaw livre dans son dernier livre un récit précis et haletant de la dernière année du nazisme. Il a travaillé sur la correspondance des généraux et aussi sur les rapports du ministère de la propagande qui enquêtaient sur le "moral" de la population en permanence.
personne n'ose plus comploter
Tout débute avec l'attentat raté contre Hitler (fin juillet 44), la répression qui suit semble éliminer temporairement toute opposition dans les élites allemandes. Car si certains redoutent une défaite au regard des forces coalisées contre le Reich personne n'ose plus "comploter".
Ainsi Hitler et ses généraux les plus serviles vont-ils pouvoir poursuivre une guerre de la façon la plus absurde qui soit, c'est à dire en "tenant" au maximum des territoires immenses pourtant envahis par des forces ennemies bien supérieures. Cela va saigner l'armée allemande qui ne fera plus que repousser de plus en plus difficilement des offensives de plus en plus massives à l'est comme à l'ouest.
Et quand l'échec est au rendez-vous et que certains hauts
gradés souhaitent une autre stratégie Hitler les remplace
Et quand l'échec est au rendez-vous et que certains hauts gradés souhaitent une autre stratégie Hitler les remplace sans que rien ne change sur le terrain. Il fera cela jusqu'en avril 1945 !
Dès lors, pourquoi une telle politique suicidaire ? Pour plusieurs raisons. Quasiment jusqu'au bout Hitler a pensé que Staline et les Occidentaux n'allaient pas travailler durablement ensemble. Pour lui le front anti-hitlérien allait se dissiper tôt ou tard. D'autres dirigeants nazis pariaient sur un accord avec les Occidentaux pour repousser les Soviétiques. Deux analyses logiques qui allaient être validées... après 1947 ! Nullement avant. D'autres savent que l'URSS va faire des millions de victimes en Allemagne, dès lors pourquoi se rendre ? On spécule aussi sur les "armes miracles". Certes elles existent (V2, avions à réactions...) mais seront trop rares pour être vraiment efficaces militairement.
1944 s'achève sur l'offensive surprise dans les Ardennes mais sans réelle durabilité. Dès ce moment les ressources militaires de l'armée allemande sont limitées et en déclin et "tenir" des positions à tout prix ne fait que vider davantage les dernières ressources militaires...
Du côté de la population on perd ses dernières illusions
Du côté de la population on perd ses dernières illusions. Seule la peur (de la répression et des exactions russes) évite des révoltes alors même que le parti nazi et surtout ses cadres sont de plus en plus rejetés. Hitler lui-même perd de son aura dans la base de la population mais ce mouvement est lent, seuls les nazis subalternes sont vus comme des opportunistes et des incapables. Beaucoup gèrent mal les évacuations ou fuient carrément avec un maximum de richesses !
Allemands fuyant l'Armée Rouge
1945, la fin dans l'horreur
1945 marque bien sûr l'ultime moment du nazisme d'Etat. Une vraie débauche de violences militraires, de tueries d'Allemands récalcitrants et d'étrangers déportés. En effet, Hitler décide de sacrifier sa population et ses otages, à savoir des centaines de milliers de déportés et de prisonniers divers !
Une vraie débauche de violences
L'auteur passe des pages et des pages à énumérer les centaines de milliers de victimes des Nazis en 1945: déportés déplacés dans les ultimes "marches de la mort", évacuation de civils allemands fuyant l'Armée Rouge et décédant dans le froid, Juifs massacrés "gratuitement"... Hitler et ses proches portent une grande responsabilité dans cette débauche de violences et de crimes innombrables. A noter aussi les exactions réelles des troupes soviétiques entrées dans le territoire ennemi. Même problèmes signalés avec certaines troupes françaises !
Bien placé pour savoir que le vent tournait définitivement Himmler tente à plusieurs reprises de contacter les hiérarques américains pour négocier une paix séparée à l'ouest. Mais Hitler lui interdit de libérer des milliers de juifs comme gage de bonne volonté (des Juifs états-uniens avaient pourtant payé pour ça). Himmler finira par passer outre les ordres du Führer non sans avoir lui aussi ordonné plusieurs massacres insensés. Incapable de liquider son maître des basses oeuvres, Hitler fera fusiller le bras-droit d'Himmler, Fegelein, pourtant mari de la soeur d'E. Braun...
C'est alors vraiment le début de la fin : deux jours après l'exécution de Fegelein, Hitler se suicide laissant le pouvoir à Goebbels et Dönitz. Le premier refuse aussi de capituler et se suicide avec femme et enfants le 1° mai 1945 tandis que le second, reste "président" du Reich et signe la capitulation non sans avoir tout fait pour faire passer un maximum de soldats et de civils à l'ouest. Arrêté et jugé par les Alliés il fera 10 ans de prison et cherchera à faire oublier son jusquau-boutisme meurtrier du vivant de Hitler.
Le bilan allemand du conflit serait autour de 5-6 millions de personnes, dont un million de victimes civiles dans la dernière année du régime ! Un traumatisme qui marquera l'Allemagne car bien peu en Europe pleureront les victimes allemandes des bombardements, de l'invasion russe ou des derniers nazis... Rappelons aussi les expulsions de Germains dans toute l'Europe de l'est...
Kershaw répond à sa question de départ sur les causes d'une telle fin : passion nazie, devoir d'obéissance mais surtout volonté de se défendre d'une invasion russe vue et vécue comme apocalyptique...
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