Le pain, le levain et les gènes, François Roddier, Editions Paroles, 13 euros.
C'est le titre un peu énigmatique du formidable livre de F. Roddier.
Scientifique de formation, astronome de métier (pas mois de 212 articles scientifiques) et retraité curieux de toutes les sciences l'auteur nous concentre en moins de cent pages des connaissances variées et des sujets en apparence divers.
Notre organisme actuel est parfois plus adapté au régime préhistorique
Le livre débute par le bref récit de la vie de François Roddier qui nous relate ses étranges problèmes de santé. En effet, presque toute sa vie notre astronome a souffert d'un mauvais sommeil et de rachitisme. Et, c'est une fois à la retraite, qu'il découvre que son organisme souffre depuis toujours d'intolérance au gluten, composant de notre pain blanc. Débute alors pour lui une passionnante recherche sur l'évolution humaine et la nécessité pour certaines personnes (comme lui) de se soigner uniquement en se nourrissant comme les premiers hommes. En effet, notre organisme actuel est parfois plus adapté au régime préhistorique (qui a duré près de 100 000 ans) qu'au régime agricole (10 000 ans) ou industriel (mois de 200 ans). L'auteur confirme donc les risques de la nourriture industrielle qui, saturée de sucres, graisses et autres produits chimiques peut rendre malade si elle n'est pas consommée avec précaution. C'est la « morale » captivante des première et deuxième parties. Mais le troisième chapitre va encore plus loin et comble les lecteurs les plus curieux.
En environ vingt pages F. Roddier synthétise 50 années de recherches les plus pointues non en diététique, mais... en physique et en loi de l'évolution ! En effet, pour comprendre la place de l'homme sur terre il fait appel aux travaux les plus récents qui démontrent le fonctionnement de l'univers. En effet, toute structure organisée (un soleil ou une fleur, l'homme ou l'empire romain...) ne subsiste qu'en dissipant de l'énergie, ainsi sans calories ni oxygène, on décède. On sera étonné de constater que pour une même unité de masse, le cerveau humain dissipe plus d'énergie que le soleil ! Avec le temps les structures dissipent de l'énergie, s'organisent en interne (naissance de la vie par exemple), exportent de l'entropie (désordre) et importe de l'information. Compliqué pensez-vous ? Pas tant que ça : c'est tout simplement l'histoire de l'ADN : une structure qui s'est complexifié progressivement, s'est organisé en interne pour emmagasiner de l'information par mutations successives (loi de la sélection naturelle). Or, quand une structure est arrivée à une dissipation maximum d'énergie, elle est devenue énorme, stable mais peu facile à faire évoluer, dès lors elle s'effondre et d'autres structures plus modestes émergent. N'est-ce pas l'histoire de tous les empires ou encore le destin des dinosaures remplacés par des petits mammifères ?
graphique de l'astronome E. Chaisson confirmant le constat de Dewar
On sera étonné de constater que pour une même unité de masse, le cerveau humain dissipe plus d'énergie que le soleil !
Structurellement la loi de la sélection naturelle favorise toujours les structures (ou les espèces) qui dissipent le plus d'énergie, c'est le constat fait par Dewar (chercheur à l'INRA) en 2003. Sa loi est dite M.E.P. (pour Maximum Entropy Production). Mais déjà en 1948 le chercheur Shanonn avait lié l'entropie et l'information : toutes structures exportant de l'entropie (par dissipation d'énergie) importait en échange de l'information. En 1993, les scientifiques Per Bak et Snepper définissent les évolutions S.O.C. (Self Organized Criticallity), une conséquence du M.E.P. ou évolution brutale et/ou saccadée suite à un changement. C'est le cas de l'évolution humaine où des inventions comme l'agriculture ont davantage changer l'espèce que les gènes et cela de façon rapide. Dès lors le cerveau (inventions) et le langage (pour diffuser les informations) remplacent les gènes comme modes d'adaptation à l'environnement. Les sociétés humaines se mettent alors à se structurer et à dissiper toujours plus d'énergie (bois, charbon, pétrole, nucléaire, etc.). Pour F. Roddier, les premières innovations agricoles expliquent donc la disparition des autres espèces homo et la seule survivance de notre espèce.
Pour finir l'auteur, dans une quatrième partie, nous livre ses recettes de pains et autres gâteaux sans gluten et sans apports chimiques.
En une centaine de page on passe donc d'un problème alimentaire à l'évolution de l'Homme et aux lois fondamentales de l'univers. Fulgurant ! D'autant plus que cela pose l'éventualité d'un effondrement brutal de notre civilisation si notre cerveau n'arrive pas à passer d'un développement capitaliste prédateur à un développement durable.
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Biographie de F. Roddier : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Roddier
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