Les entretiens de Nuremberg
Les entretiens de Nuremberg, L. Goldensohn, 2004
Léon Goldensohn est un psychiatre états-unien qui, officer en 44-45, a participé à la libération de l'Europe. De par sa formation en psychiatrie il a été autorisé à s'entretenir avec les accusés du procès de Nuremberg afin d'évaluer leur degrés de folie éventuelle. Il a prit des notes nombreuses qui ont été publiées tardivement et qui éclairent la personnalité des complices de Hitler.
Sur 24 accusés 12 seront condamnés à mort, 2 seront acquittés. Les autres écoperont de peines de prison de durée variable.
Un quarteron de seconds couteaux ?
Tous les accusés cherchent à diminuer leur responsabilité dans les crimes du III° Reich. En effet, certains avaient des positions hiérarchiques très marginales et n'avaient, de fait, aucune initiative (l'un d'eux était simle chef de bureau au ministère de la propagande). Ils devaient appliquer plus ou moins rapidement et sincèrement "les ordres" surtout que dans une dictature ils viennent d'en haut et sont incontestables.
Même pour les ministres (Goëring, Ribbentrop) la marge de manoeuvre était limitée. Dès 1941 Hitler n'a plus de relations avec Goëring, il le fera même arrêter dans les derniers jours de la guerre. Quant aux Affaires étrangères elles sont écartées des décisions militaires. Le tyran avait même l'habitude de ne jamais réunir le conseil des ministres... Les deux ex ministres de Hitler seront néanmoins condamnés à mort.
Il en va de même pour l'ex ministre de l'économie Schacht ou de von Papen qui, évincés avant la guerre, sont des pions de Hitler qui les manipule pendant le conflit comme des figures "modérées" censées tromper l'étranger. Ils obéissent généralement par peur des SS ou sens du devoir. Ils nient catégoriquement avoir été au courant des massacres. Von Papen et Schacht seront même inquiétés après l'attentat contre Hitler de juillet 44.
Pour les militaires incriminés (Keitel, Doenitz...) il ressort leur profond suivisme : Keitel était à l'état-major et Doenitz dans ses sous-marins. Point. Ils ne se sentent pas concernés par les crimes de guerre assez rares dans la Marine mais massifs sur terre. Dans son bureau Keitel ne voyait "rien" et n'avait aucun choix. Il chercha plusieurs fois à partir mais Hitler refusa. Keitel sera exécuté et Doenitz condamné à 20 ans de prison.
De quoi étaient-ils au courant ?
Tous nient catégoriquement avoir été mêlés ou même informés des tueries de masse et plus encore de l'extermination industrielle des Juifs européens. Pour eux tous ce sont Goebbels Bormann et surtout Himmler et Hitler qui voulaient ces horreurs... Certains accusés disent même avoir protégé les Juifs en les expulsant (sic).
Informés de violences et d'injustices plusieurs accusés disent avoir aidé des opposants -juifs ou non juifs- à échapper à la Gestapo. Néanmoins face à l'obsession antisémite de Hitler les accusés n'ont pas pu ou pas voulu agir davantage.
Certains rappellent que le programme du parti nazi stipulait l'expulsion des Juifs et nullement leur anéantissement.
Si les vrais acteurs de la « solution finale » se sont suicidés en 45 ceux qui se sont rendus ou qui ont été pris se sentaient moyennement coupables. Certains professent encore que les Alliés avaient voulu la guerre comme l'URSS attaquée « préventivement » en 1941, un mythe battu en brèche par l'Histoire. C'était la doxa hitlérienne qui servit de moteur à l'agression nazie dans toute l'Europe. En décembre 41 Hitler déclare même la guerre aux USA convaincu que l'entourage juif de Roosvelt se prépare à lancer les USA contre l'Allemagne... Une fuite en avant qui entraine tout le pays, responsables « modérés » compris. Visiblement les élites allemandes, traumatisées par Versailles, imaginaient que l'Europe entière voulait de nouveau abattre l'Allemagne, une erreur car les responsables politiques de l'époque ne voulaient nullement d'une nouvelle guerre mondiale, d'ou l'apaisement à la conférence de Munich en 1938 où la Tchécoslovaquie est abandonnée à Hitler !
Antisémites jusqu'à quel point ?
Vis-à-vis de l'antisémitisme deux groupes d'accusés se distinguent : ceux qui croient encore au « complot juif » et partagent l'obsession hitlérienne du Juif (communiste soviétique et/ou capitaliste américain) comme acteur de l'Histoire et moteur du déclin de l'Europe... C'est le cas de Rosenberg, théoricien antisémite de médiocre facture (de l'aveu même des autres accusés) mais aussi de Streicher, mentalement instable...
D'autres n'ont fait que suivre mollement les directives de Hitler. Doenitz affirme avoir ignoré les lois antisémites dans la Marine, Goëring et d'autres déclarent même avoir « protégé » des Juifs. Ce furent des actes isolés, de circonstances, peut-être montés en épingle dans le cadre du procès. Ainsi Franck (responsable de la Pologne occupée) dit-il avoir été démis de ses fonctions à cause de discours internes au parti nazi où il critiquait la violence de l'occupation...
Généralement les accusés n'assument pas leur côté carriériste car tous furent des ambitieux en concurrence les uns avec les autres.