Les mains du miracle
Kersten à la recherche de la conscience d'un monstre
Qui connait Félix Kersten ? Pas grand monde. Pourtant cet homme a eu une importance si grande de 40 à 45 qu'il est peut-être le plus grand "sauveur" d'innocents de la seconde guerre mondiale. En effet, récemment remis au goût du jour par une BD, le livre de J. Kessel Les mains du miracle (1960) relatait déjà l'ahurissante histoire de ce médecin germano-finlandais qui soigna Himmler pendant des années. Seul à même de le soulager de douleurs stomacales terribles il réussit à amoindrir les crimes de ce que l'Histoire a appelé non sans raisons un monstre. En effet il prodigua ses soins miraculeux en échange de libérations de détenus !
Bien qu'assez mal écrit car d'un style peu recherché et quelque peu naïf le récit de Kessel (qui s'est entretenu longuement avec Kersten) a le mérite de démonter la psychologie d'un des bras droits de Hitler, une sorte d'âme damnée du Guide, exécuteur des basses oeuvres qui, néanmoins, avait une conscience que Kersten su trouver dans les moments où son talent soulageait le plus grand criminel de guerre du XX°s...
Un portrait psychologique du hiérarque nazi s'impose...
Himmler est né en 1900 dans une famille catholique on ne peut plus banale. C'est un bourgeois qui se destine comme son père à l'enseignement. Il fait des études d'agronomie avant d'être instituteur. Aucun signe de cruauté ou de sadisme à cette époque... et pas plus après ! En effet, c'est le caractère hypnotique d'Hitler et son système de pensée qui captent le jeune Himmler.
Le nazisme en plein essor est pour lui un tremplin pour son Destin
Le nazisme en plein essor est pour lui un tremplin pour son Destin. Car Kersten comprend assez vite que derrière le petit homme souffrant qu'il soulage il y a un ambitieux et une ambition stratosphérique. Himmler, à l'ombre de Hitler, pense être un Destin germanique. Rien de moins. Autour de lui gravite toute une galaxie d'intellectuels plus ou moins fumeux qui veulent retrouver ou plutôt refonder l'Allemagne à n'importe quel prix. Toute la fin du XIX°s fut baignée par ce romantisme qui dériva rapidement après 1917 vers l'antisémitisme, le racisme et l'anti-modernité. Himmler eu à sa disposition des milliers de livres ésotériques ou traitant de la sorcellerie. Il dit à Kersten que Hitler lui avait confié la mission d'élaborer une nouvelle religion pour remplacer le christianisme trop universel et humaniste (sic). Surprenant mais Himmler semble avoir lancé quelques projets dans ce sens dont celui de "l'ordre noir", un proto-culte à forte ambiance païenne. Durant la guerre le régime repoussa sine die la confrontation avec les Chrétiens, Témoins de Jéhova mis à part.
Château de Wewelsburg, siège de "l'ordre noir" de Himmler
Reste que ce projet de religion -où Hitler serait la divinité- n'a pas laissé de grandes traces dans les archives...
Le livre de Kessel relate ainsi à plusieurs reprises des éléments qui n'ont pas fait date. Ainsi Hitler ordonne-t-il à Himmler de déporter à l'est des millions de Hollandais coupables de ne pas être assez pro-nazis. Or Kersten affirme avoir fait abandonner l'idée à Himmler. Aucun historien n'a trouvé trace de ce projet délirant. L'histoire de Kersten est exacte mais qu'en fut-il des détails ? Mystère car aucun document sérieux ne vient non plus confirmer l'idée d'une nouvelle religion nazie sensée remplacer le christianisme. Himmler se payait-il de mots ?
Il est mentionné aussi que Himmler était "pauvre", du moins il ne vivait que sur sa "maigre" solde... Or d'autres documents (G. Tillon) montrent que le Reichführer s'enrichissait dans la gestion des camps de concentration et d'extermination qu'il dirigeait. Là aussi les dires de Kersten posent question.
Kersten affirme aussi avoir fait vibrer l'humanité de son malade
Reste que Himmler a, effectivement, tenté d'amoindrir la cruauté de son système dans les dernières semaines de la guerre. Le but était de négocier plus aisément avec les Américains bien sûr mais Kersten affirme aussi avoir fait vibrer l'humanité de son malade. Plausible. Le "contrat pour l'Humanité" signé avec un représentant du Congrès Juifs Mondial en est la preuve. Après avoir accusé les Juifs d'avoir déclenché la guerre Himmler se dit "prêt à enterrer la hache de la guerre" avec eux, c'est à dire concrètement faire cesser les massacres de prisonniers.
Il semble que Himmler ait été un mari et un père de famille tout à fait standard. Personellement il répugnait à la violence et fut même pris de malaise quand il assista à des exécutions de masse ! Ce fut la seule fois. Comme tous les chefs nazis, Hitler compris, il refusa de regarder en face la réalité concrète de ses actes.
Dans le reste du récit on a confirmation des relations excécrables entre les compagnons d'Hitler. Himmler comme grand maître des services de polices et des SS est craint des autres chefs. Il est l'un des architectes de la "nuit des longs couteaux" qui liquide opposants et nazis dissidents en 1934.
Vis-à-vis de Hitler il est assez vite convaincu que son "génie" ne suffira pas à gagner la guerre. Il le croit malade et montre même à Kersten son dossier médical où il est fait mention de sa syphilis. Une erreur car Hitler ne souffait pas de cette maladie. Déchu de ses fonctions à la fin de la guerre quand le maître du Reich réalise qu'il négocie avec les Américains Himmler fuit dans l'anonymat avant d'être capturé par les Britanniques. Il se suicide. Sa défense n'aura pas lieu même si ses arguments sont connus : volonté de débarasser l'Allemagne de ses éternels ennemis intérieurs et extérieurs... La paranoïa nazie la plus complète incarnée par un homme modeste, presque médiocre enivré par Hitler et sa volonté d'exister comme héros de la Germanie lui qui n'était ni grand, ni soldat, ni même aryen...
Date de dernière mise à jour : 02/11/2018