À propos de "Chavez presidente"
de Maurice Lemoine, Editions Flammarion, 860 pages.
par : Terouga
La conspiration
Ce « roman vrai » de M. Lemoine nous plonge dans l’histoire récente du Vénézuela. Il relate dans les détails comment une coalition hétéroclite a tenté de renverser Chavez en 2002.
En effet, devant sa politique « bolivarienne » (indépendance des États du Sud, politique sociale, nationalisation des richesses naturelles…) la vieille droite locale et l’ex gauche ont vite scellé un pacte avec tous ceux décidés à brûler la république vénézuelienne. Aidés discrètement par les États-Unis, l’Église ou encore la CFDT locale, le coup a été tenté suite à une énième manifestation de la « société civile », c’est à dire en réalité la bourgeoisie de Caracas, obsédée par une hypothétique dérive bolchevique (sic) de Chavez.
Harcelé par des media privés aux ordres des oligarques nationaux et internationaux, paralysés aussi par ses modérés et non encore soutenu par un parti organisé, Chavez a brièvement quitté le palais présidentiel de Miraflores pour être retenu par une bande de généraux opportunément ralliés à la conspiration. Il aura fallu aussi que d’énigmatiques coups de feu viennent tuer plusieurs manifestants (des deux camps) aux abords du palais présidentiel pour que l’opposition crie au « génocide » et pousse Chavez dehors en ralliant à elle les moins informés des officiers.
La résistance
Ayant choisi le président du MEDEF vénézuélien pour remplacer Chavez (!), les représentants de la « société civile » ne réalisent pas que leurs premières mesures vont faire exploser le pays. Abrogation des lois sociales, suspension de l’assemblée nationale, arrestations de partisans de Chavez… Les plus mous de cette bande de gangsters commencent sérieusement à redouter une riposte violente des masses. Une vraie révolution qui ferait passer les réformes de Chavez pour une plaisanterie…
Le président de la CFDT locale est le premier rat à quitter ce navire chancelant alors même que des milliers puis des centaines de milliers de vénézuéliens pauvres descendent dans les rues et se rassemblent autour des bâtiments officiels tenus par les putschistes.
Pendant ce temps, Chavez arrive à faire savoir qu’il n’a jamais démissionné contrairement à ce que répètent en boucle les télés privées.
Au niveau international, ce coup parait trop gros et trop « chilien » pour recevoir un accueil favorable. Seuls les États-Unis ou l’Espagne de Aznar soutiennent comme ils peuvent le nouveau Pinochet. Ailleurs, en Amérique latine ou en France, c’est la critique qui domine.
Mais c’est l’armée qui donne le coup de grâce à cette mauvaise pièce de théâtre : réalisant le caractère conspiratif et foncièrement réactionnaire du nouveau régime, une majorité d’officiers qui avait cru en la responsabilité de Chavez dans la mort des manifestants rejettent le président par intérim et rallient les millions de Vénézuéliens décidés à défendre leur président élu mais aussi la démocratie.
Épilogue
Le coup n’aura pas duré 48 heures.
Chavez revient à Caracas acclamé par des millions de gens, mais le harcèlement politique se poursuit. Les oligarques tenteront de ruiner le pays en sabotant les exportations de pétrole, Chavez fera intervenir l’armée pour protéger les installations pétrolières.
Ensuite, alors que des leaders paysans et des partisans du président sont régulièrement assassinés (plus de 100 morts…) l’opposition perd lamentablement le référendum révocatoire qu’elle avait obtenu. Chavez rassemble derrière lui plus de 58 % des voix. Même les États-Unis sont obligés de reconnaître la régularité du scrutin… Tenteront-ils d’assassiner Chavez ?
M. Lemoine nous raconte donc tout ça en 860 pages. Merci à lui qui était sur place au moment du coup d’État, mais fallait-il dépasser les 500 ou 600 pages ? Un style parfois médiocre et des facilités évidentes ne gâchent pas ce récit saisissant de la vraie première révolution démocratique du XXIe siècle !