Naomie Klein
F. Chauvreau nous livre une synthèse du livre de N. Klein, La stratégie du choc (éditions Actes Sud), qui analyse ce que l'auteur appelle le capitalisme de la catastrophe. Militante alter-mondialiste très connue, N. Klein avait défrayté la chronique en publiant NO LOGO (2000) sur la tyrannie des marques à travers le monde.
Terouga
1. Les conséquences du néo-libéralisme
Ce livre retrace une histoire du vingtième siècle, vue par le prisme de la " thérapie de choc " inventée par Milton Friedman, le père du néo-libéralisme, et appliquée par ses élèves, les Chicago boys.
En effet, Milton Friedman, souvent présenté comme le père de la théorie monétariste et grand apôtre du " laissez-faire ", c'est-à-dire du désengagement de l'État dans l'économie, ne fait pas l'objet d'une critique économique.
Naomi Klein ne s'attarde pas à démonter les incohérences ou les faiblesses théoriques des théories de Friedman. Ce n'est pas un traité d'économie.
Son livre s'attache à restituer l'ensemble des conséquences catastrophiques qui ont été vécues par les habitants des multiples pays qui ont subi la " thérapie de choc " inventée par Friedman.
Partout où cette " thérapie " a été appliquée, de l'Amérique du sud (Chili, Bolivie, Argentine...) à l'Europe (Grande Bretagne, Pologne, Russie...) en passant par l'Afrique, les mêmes causes ont produit les mêmes effets dévastateurs.
Naomi Klein résume ainsi la mise en œuvre de cette thérapie de choc : les élèves et épigones de Friedman, ont d'abord progressivement infiltré les grandes sphères de pouvoir, aux Etats-Unis, et notamment dans les institutions financières internationales, telles le FMI et la Banque mondiale.
Ensuite, ils ont attendu que se produise un désastre - le fameux " choc "- quitte à le provoquer : crise économique, guerre, ou encore catastrophe naturelle ; et ils ont alors appliqué de façon systématique ce que N.K appelle la " Sainte Trinité Friedmanienne " : privatisations, déréglementations, et réductions drastiques des dépenses sociales.
Ainsi, les pays qui subirent la " thérapie de choc ", étaient vendus pièce par pièce aux intérêts des grandes entreprises internationales, et les populations étaient plongées dans la misère la plus effroyable.
2. La fin de la démocratie
L'une des thèses du livre de Naomi Klein est que la stratégie du choc n'a pu se développer que sur une mise en parenthèse - voire une destruction- de la démocratie.
En effet, le premier pays à accueillir la thérapie de choc, sur les conseils de Milton Friedman lui-même fut le Chili, au moment de la prise de pouvoir du terrifiant dictateur Augusto Pinochet.
Ce premier laboratoire, grandeur nature, des thèses de Milton Friedman a été le premier d'une longue série de dictatures sanguinaires à travers le monde, à commencer par l'Amérique du sud, pour le plus grand profit des intérêts États-Uniens tout proches.
Par la suite, Klein, s'attache à montrer que chaque fois que la thérapie de choc néolibérale a été appliquée, elle s'est accompagnée, pendant un temps plus ou moins long, d'une mise en suspens du régime démocratique : loi martiale, répression sanglante, intimidation ou censure, les recettes furent multiples et souvent brutales.
En Bolivie, Argentine, Pologne, Russie, etc. Chaque fois, il s'est agit de passer outre, de contourner ou de supprimer la démocratie, car la pilule ne passait pas, les " réformes " néolibérales étaient inacceptables pour le peuple.
Parfois, un événement suffisamment spectaculaire à lui-seul, a permis de faire passer la " thérapie " sans que le public ne s'en aperçoive, tout occupé qu'il était à mesurer l'ampleur de l'événement dont il était témoin.
Ce fut le cas en Afrique du Sud, où la mise en scène de la fin de l'apartheid occultait la mise en place du verrouillage de l'économie au détriment du peuple, et au profit des grandes entreprises.
3. Raconter une histoire
Dans la première partie de son livre, Naomi Klein compare la stratégie du choc inventée par Milton Friedman aux techniques de torture élaborées à la même époque par la CIA.
Pour les professionnels, attachés à la rigueur scientifique, ce type de comparaison peut paraître déconcertante.
De plus, elle n'hésite pas à se mettre en scène, à transgresser la chronologie par de nombreux retours en arrière, à répéter plusieurs fois la même idée sous plusieurs formes, etc.
Autant de procédures qui pourront choquer les historiens, car elles ne relèvent pas de la recherche scientifiques, elles témoignent d'une autre technique : la dramatisation.
Naomi Klein nous offre à la fois un témoignage et sa mise en scène.
Elle nous raconte une histoire, celle du néo-libéralisme et de ses ravages mondialisés ; pas sous un angle scientifique, mais selon un point de vue militant, avec des procédés dramatiques.
Les puristes pourront s'en offusquer, néanmoins, le résultat est là : le livre de Naomi Klein est un succès de librairie.
Or, le but d'un militant n'est-il pas de toucher un maximum de monde ?
Combien d'universitaires rigoureux pourraient se vanter d'en faire autant ?
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