Il n’y a pas d’âge pour changer de vie !
Il n’y a pas d’âge pour changer de vie ! C’est peut-être la seule morale de l’autobiographie romancée de Robert Beck qui, des décennies durant, fut un proxénète d’une redoutable efficacité.
Pilier de la littérature doublement noire états-unienne Beck, alias Iceberg Slim, raconte dans une langue tantôt légère tantôt tragique sa vie de misérable gamin dans l’Amérique des années 30 qui devient, à peine majeur, un délinquant décidé à « tout faire sauf travailler » à Chicago. Quittant une mère d’une stupidité accomplie (elle quitte un compagnon travailleur et gentil pour une crapule violente) il devient un mac à la tête d’une « écurie de putes ».
Là, le récit se fait sociologique : comment apprendre cet étonnant « métier » ? Mélangeant des conseils donnés en prison aux tuyaux d’un certain Sweet alors au sommet du fait il se lance avec succès dans l’entreprenariat du proxénétisme.
Du capitalisme brut !
On navigue alors dans les quartiers chauds de Chicago, là où les policiers sont les premiers partenaires des macs qui les corrompent aisément, là où n’importe quelle serveuse ou fille amoureuse semble devenir facilement une prostituée, là où il n’existe aucune autre valeur que celle des dollars… Du capitalisme brut !
Comme tous les délinquants brillants Slim évite un temps les pièges du métier, mais plusieurs fois il tombe et se retrouve en prison d’où il s’échappe même une fois. La description de son évasion fait frémir de suspense et de sympathie pour lui ! Car, autre réussite du livre, on peine à avoir de l’antipathie pour ce winner de l’Amérique encore largement raciste, hypocrite et puritaine… Pourtant, il ne se donne nullement le beau rôle racontant comment il manipulait, mentait et menaçait constamment son « écurie » de filles dont la stupidité égalait la beauté tellement elles succombaient vite au charisme d’un jeune frimeur amateur de belles voitures et d’excellents costumes. On se demande alors si les choses ont changé…
Passé 40 ans, une fois de plus en prison, déconfis par la lente agonie de sa mère il utilise son intelligence fulgurante pour analyser le gâchis qu’est sa vie et la mort tragique de ses compères (meurtres, suicides, overdose, etc.). C’est là qu’il renonce à sa vie d’exploiteur pour se ranger et écrire ses tristes et affolantes aventures.