par Denis Gorteau
Ravage de René Barjavel a été écrit en 1942, c’est la première mais pas l’unique surprise de ce premier roman de science-fiction français.
Plus que jamais la trame du récit est d’actualité. Vers 2050, la France est devenue un pays ultra-moderne. Avec quelques bonnes intuitions l’auteur imagine une ville de Paris verticale, rayonnante, envahie par les média et surtout qui ne se repose jamais. Des véhicules en « plastec » et des aéronefs silencieux silonnent les rues et le ciel de la capitale, le tout dans une débauche permanente d'énergie.
Dans des appartements luxueux alignés sur des dizaines d’étages les écrans de télévisions sont aussi grands et plats que les murs, les morts ne sont plus enterrés mais empaillés et conditionnés dans des cubes de verre, les trains roulent à plus de 500 km/h et les pays se sont unifiés.
A peine plus qu’aujourd’hui les Hommes vivent coupés de la nature et dans un univers artificiel et parfait.
Pierre, le héros du livre, vit pourtant honnêtement et modestement. Il est amoureux d’une amie d’enfance qui va devenir une star des médias, et, le soir du grand lancement de la jeune beauté, une guerre éclate entre l’Amérique du sud (contrôlée par des Noirs revanchards) et l’Amérique du Nord. C’est alors que l’électricité ne circule plus ! D’un coup le monde s’arrête. Définitivement.
La chute des villes commence ! Sans énergie les lumières s’éteignent, les véhicules s’arrêtent, les avions tombent. Comment faire pour aller et venir à plus de 50 étages de hauteur ? Comment faire pour conserver les cadavres des ancêtres ? Comment assurer l’ordre ?
Barvajel décrit donc dans les détails et avec suspense l’effondrement de la civilisation. Rien de moins. En quelques heures un chaos terrible s’installe, les gens commencent à mourir...
Ensuite, les pillages et les tueries pour l’accès aux dernières denrées déclenchent un incendie incontrôlable qui finira par ravager la moitié du pays…
Pierre, devenu rapidement brutal par nécessité regroupe une petite bande de survivants intrépides et fait route vers le sud, vers sa Provence natale, loin des villes ruinées.
Après bien des aventures où la mort frappera sans cesse les survivants refondent une société rurale assez archaïque mais assez viable et équilibrée, avant, que, très âgé Pierre ne fasse une dernière fois usage de la violence pour empêcher le retour du progrès, source de la grande catastrophe.
Bien écrit, haletant, moderne et cinématographique dans la forme ce roman de 1942 distille pourtant des idées bien en phase avec le pétainisme en pleine gloire à l’époque : la femme est à sa place comme mère de famille, elle accepte de bonne grâce la polygamie dans le monde renaissant, l'ordre nouveau est une sorte de double du moyen âge idéalisé de Pétain, la violence et l’abandon des faibles paraît logique…
C’est donc un roman important et intéressant qu’il faut, tout de même, lire avec prudence.