Massacrer des civils, et après ?
L’horreur est comme l’Histoire, elle se répète parfois.
C’est le cas à Gaza où Israël pilonne périodiquement de supposés agresseurs. La disproportion des forces est toujours la même : des centaines de morts -généralement des civils- contre quelques soldats en face. Dernièrement le but à peine dissimulé était de torpiller un gouvernement d’union nationale entre l’OLP et le Hamas. Le seul a même de négocier...
Ce matraquage typiquement colonial est répétitif
Ce matraquage typiquement colonial est répétitif et il ne règle rien sinon les budgets militaires…
Mais cette confrontation périodique n’échappe pas à des dynamiques plus subtiles et à des contraintes moins simplistes que les slogans et les dénonciations aussi fondés soient-ils.
Dynamiques conflictuelles
La énième attaque israélienne contre Gaza a pour contexte une énorme densité de population. Densité qui résulte d’une augmentation rapide de la population.
Causée par l’immigration en Israël et par la natalité à Gaza, cette densité pèse sur les espaces agricoles et dans les villes. Faut-il le rappeler, la région est une zone oasienne. Il est donc fort logique qu’Israël se soit spécialisé dans le détournement des eaux du secteur…
Si Tel-Aviv n’a plus de vue directement coloniale sur Gaza, la faim de terres ne peut que générer pauvreté, frustrations et désespoir du côté des Gazaouis. De 1948 à 2014 la population est passée de 80 000 à 1 800 000 habitants ! La natalité, même en baisse, affiche tout de même 5 enfants par famille.
la résistance militaire est un choix rationnel
Dans ces circonstances la résistance militaire est un choix rationnel pour les jeunes gens sans travail, sans perspective de mariage, sans logement, c’est à dire sans existence sociale. C’est un classique de l’histoire : quand la population augmente plus vite que les ressources cela entraîne révolutions locales et/ou conflits externes. Le Hamas ou d’autres groupes ne peuvent que recruter pléthore de volontaires pour la résistance, le djihad ou n’importe quelle autre guerre parfois lointaine… « Sans feu ni lieu » les Palestiniens fourmillent dans les réseaux terroristes ou les expatriés surexploités. A noter aussi l’existence d’une délinquance réticulaire importante dans la région au Sinaï comme ailleurs.
Du côté d’Israël c’est la même réalité avec simplement plus de subventions et plus d’armes étrangères ! 30 milliards d’armement us pour les 10 dernières années. Un gage de paix assurément !
La politique de colonisation de la Cisjordanie ne résout pas les gros problèmes économiques qui touchent la population : plus de 20 % de la population est touchée par la pauvreté et le vieillissement des Israéliens menace lourdement l’économie. Là où il faudrait des jeunes gens courageux pour les travaux pénibles on ne trouve que des ingénieurs russophones ! Par ailleurs peu de choses -sinon le mythe colonial- ne fait nation en Israël : être juif (donc être israélien) ça ne veut pas dire grand chose, sinon, je le répète, adhérer à une gestion sécuritaire des territoires largement extorqués aux anciens habitants. C’est, bien sûr, la source du conflit.
des actes cruels et antipolitiques
Le résultat de la pression démographique et du colonialisme ne peut que déboucher sur un fanatisme équitablement partagé des deux côtés du front… Il sert surtout de certitude confortable et de discours écran à même de souder les rangs. Il entraîne souvent des actes cruels et antipolitiques comme l’assassinat de jeunes israéliens et, en représailles, d’un adolescent palestinien pris au hasard. Des centaines de morts plus tard à qui le tour ?
Or Israël n’occupera jamais la totalité du « grand Israël » rêvé par certains démagogues et les Palestiniens n’en finiront jamais complètement avec « l’entité sioniste ». Quand le rapport de force tournera un accord de statu quo ante sera signé mais Israël restera un Etat artificiel, une sorte d’émirat politique à fortes tensions internes ; quand à la Palestine, elle sera divisée en chefferies locales rivales et économiquement satellisées par Israël, seul pôle économique de proximité. Mais n’est-ce pas déjà le cas ? A reculons souvent les Israéliens font appel aux compétences des palestiniens (médecins…) bien formés par l’ONU.
Enfer géopolitique
Comme toujours la géopolitique régionale ne fait rien pour arranger le problème : issu d’un coup d’Etat scandaleux le régime de Sissi au Caire ne saurait être un intermédiaire crédible : nationaliste de pacotille il représente une poignée de généraux malhonnêtes capables de toutes les compromissions pour éviter qu’un mouvement populaire (Frères Musulmans ou autres…) ne menace leurs privilèges éhontés. Le Hamas gazaoui est, pour eux, un exemple à ne pas suivre. Dans cette optique ce sont des alliés tactiques de Tel-Aviv.
Le duel religieux et géopolitique entre l’Arabie Saoudite et l’Iran concerne peu la Palestine. On surenchère verbalement à Téhéran et à Riyad sur le sort des « frères » arabes, mais en Iran on regarde plutôt vers la Syrie, l’Irak ou au Liban où les réseaux chiites sont plus solides. En Arabie Saoudite la monarchie se sent tellement fragilisée par Al-Qaïda, la désalliance états-unienne et la fin du pétrole que la Palestine est aussi lointaine que la planète Mars. Riyad est aussi une alliée objective d’Israël, seule force capable de menacer militairement l’Iran…
Les Etats-Unis sont les grands perdants de cette énième guerre. La ligne du locataire de la Maison Blanche était de régler le problème sur la base des frontières de 67. Un projet ancien accepté par à peu près toutes les parties raisonnables de la région (la ligue arabe, l’OLP, opinions publiques, ONG, etc.), mais les réseaux sionistes us (AIPAC entre autres…) et le complexe militaro-industriel voient les choses autrement : la poursuite de l’état de guerre rapporte trop pour finir par un partage acceptable. De plus la région n’est nullement une terre d’exportations pour les produits us (armes mises à part), le capitalisme états-unien regarde davantage vers l’Asie et laisse doctrinaires et illuminés de tous poils influencer le Congrès. Avec une majoritaire d’élus qui n’ont pas de passeport, il est facile de manipuler ou stipendier les parlementaires… L’AIPAC sert la soupe à qui veut subventionner Israël.
Perspectives
Dès lors que faire ? Comment parasiter le colonialisme sioniste ? Un début de solution réside dans la campagne BDS (pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Netanyahou lui-même a mentionné plusieurs fois BDS comme une nouvelle menace pour Israël. Non violente et durable cette campagne marque des points et impacte une économie israélienne déjà vulnérable. De plus elle est à la conjonction de la morale et de l’économie et ne saurait être accusée de terrorisme ou d’antisémitisme. Rappelons le poids des sanctions dans la fin de l’apartheid en Afrique du sud. Voilà pour le court terme.
on peut croire dans la faillite du colonialisme « petit blanc »
Sur le moyen terme on peut croire dans la faillite du colonialisme « petit blanc » israélien… Car le sionisme est déjà une vieille lune qui n’a plus rien à voir avec « l’idéal » -déjà ambigu- des origines. Frappé au coin de l’infâme épuration ethnique de 1948 il n’est plus qu’un colonialisme complètement décalé au XXI°s. On y retrouve le jusqu’auboutisme digne des derniers ultras de l’Algérie française dont tout le monde connaît la fin de l’histoire…
Si les réseaux sionistes français sont influents et savent manier censure, calomnie et menaces physique force est de constater leur isolement dans l’opinion. L’homme de la rue n’aime pas les islamistes mais Israël apparaît, au mieux, comme un « ami » digne de George Bush ! Pléthore de personnalités modérées comme Villepin n’hésitent plus à parler, comme l’ONU, de crimes de guerre inexcusables et injustifiables. Quant aux français juifs leur soutien à Israël est tout relatif les convaincus étant partis sur place et les déçus déjà revenus. Si le CRIF fait la leçon aux politiques de façon éhontée la LDJ a plus de succès à la télé que dans les synagogues.
A plus long terme le déclin du pétrole conventionnel va sans doute complètement changer la donne. Si les énergies renouvelables et l’exploitation du gaz de schiste se développent le Moyen-Orient pétrolier (où les réserves s’épuisent) redeviendra un cul de sac stratégique, une sorte de destination exotique et sans intérêt comme l’empire ottoman du XIX°s. Espérons que la baisse de la natalité dans la région (engagée depuis la fin du XX°s) soulage aussi le poids des contraintes. Et qui sait, peut-être le sionisme et l’islamisme seront devenus des idéologies has been, comme le trotskisme ou l’anarchisme aujourd’hui…