son site renvoit systèmatiquement à ses produits,
nullement à ses "idées"
Qui ne connait pas Dieudonné ? Résistant pour les uns, raciste pour les autres, il défraie la chronique (judiciaire et autre) depuis des années.
Curiosité : déjà connu dans les années 90 il défiait le Front National pour maintenant passer pour plus extrémiste que la dynastie Le Pen. Pour quelles raisons ? Autrement dit, qu'est-ce qui fait courrir Dieudonné depuis tant d'années ? A priori il ne se dégage aucune cohérence. Et pourtant...
Né en 1966 (50 ans en 2016) il est issu d'un milieu petit-bourgeois parisien. Il le dit lui-même ses parents vivaient "au milieu des livres". Lui même n'accroche pas à cette culture et ne décroche aucun diplôme. Dès lors il aura toujours une revanche sociale à prendre. Débute alors vers 20 ans une vie de travailleur précaire en phase avec l'économie des années 80 : il est, entre autres, vendeur polyvalent. Logiquement il rêve d'autre chose : il s'essaie au comique avec un ami de lycée, Elie Semoun.
il deviendra le seul producteur du duo... et gagnera bien plus que son acolyte !
Au début des années 90 leur duo décole : ils correspondent à ce que cherchent les télés, c'est à dire un humour non politique accessible à un large public. Métissé Dieudonné passe bien dans les médias déjà en quête de "diversité". Il exploite cette carte et fait produire ses premiers spectacles par l'ex "inconnu" Pascal Légitimus, lui aussi coloré et contacté comme tel pour Dieudonné (les deux hommes en conviennent). Il rompra cette collaboration en réalisant que dans un spectacle le producteur gagne bien plus que les artistes... Par la suite, toujours avec Semoun, il deviendra le seul producteur du duo... et gagnera bien plus que son acolyte ! C'est là la cohérence de Dieudonné : faire en sorte que ça rapporte. Comprendre ça c'est comprendre tout le parcours du personnage...
La suite, avant son virage "idéologique", est du même accabit : il travaille dans le cinéma, se sépare de Semoun, sort des albums, etc. Toujours la quête de la notoriété de masse qui rapporte en masse !
Même recette pour ses débuts en politique : le FN étant le "méchant" des années 90, ses sketchs et ses discours trouvent un echos d'autant plus grand que l'antiracisme institutionnel soutient la cause. Il se présente contre le FN à plusieurs reprises dans des élections locales. Là aussi la quête réussie de notoriété est pourvoyeuse de royalties... Ses productions se vendent plus que bien.
Ses sketchs en solo prennent la pente d'un humour très noir, voire sordide qui "tape" sur tout le monde au risque de ne plus vraiment être drôle. En tout cas la machine à "coups" médiatiques fonctionne. Un exemple : il lança un projet artistique dans une commune d'Eure-et-loir. Projet qui n'aboutit pas faute d'implication de Dieudonné qui, selon le maire partisan de l'idée, cherchait juste de la "publicité". Une constante. Parler de lui, même en mal, est toujours mieux que d'être ignoré. Une leçon qu'il n'oubliera pas. Un peu comme Coluche il utilise un humour radical au service d'idées consensuelles. Il vise à cette époque les "religions" pour en dénoncer le "fanatisme". L'archetype du discours flou et majoritaire.
En quête de nouvelles niches il se présente aussi comme le représentant des "jeunes de banlieue" (alors qu'il n'est plus jeune et qu'il n'a jamais vécu en banlieue) à qui il s'adresse notamment contre le FN. Il voit bien le potentiel énorme d'une jeunesse que l'on n'ose encore critiquer sous peine d'être traité de raciste mais qui est aussi un "marché". Il fait de même avec les Noirs en France. Là aussi, une clientèle nouvelle s'offre à lui au début de la décennie 2000. Il sera très bruyant sur le racisme anti-noir et communique sur le Code Noir de Louis XIV. Quel rapport avec le XXI° s ? Aucun sinon remuer les foules alors même que les Noirs ne sont pas un groupe ou une communauté homogène.
Sentant que le secteur est porteur il enchaîne les propos polémiques toujours pour "défendre" les Noirs. Concrètement il défend surtout sa notoriété...
Sans boussole politique, sachant que seules les provocations rapportent dans le système médiatique il ne sort plus de cette posture.
2003, Dieudonné commence à déraper...
Le grand public découvre le scandale en 2003 quand il se moque des Israéliens extrémistes en direct devant l'animateur Fogiel dans une émission bien nommée On ne peut pas plaire à tout le monde (sic). Quand la quête d'audimat croise la quête de scandales. Dès lors les réseaux pro-israéliens bien représentés dans les médias jettent l'anathème sur le comique. Comme avec l'extrême-droite jadis, il s'enfonce volontairement dans la mauvaise foi et la provocation, gage de succès.
Dieudonné ira toujours plus loin
dans la critique antisémite du sionisme
La suite est connue : Dieudonné ira toujours plus loin dans la critique antisémite du sionisme et multipliera les procès jusqu'à les perdre et refuser de payer ses amendes. Toujours l'obcession de l'argent. A noter que cette posture antisémite (après avoir été antiraciste), ce positionnement d'extrême-droite après avoir été un parangon de vertue droit-de-l'hommiste ne perturbe guère son public qui va au spectacle en quête de dérapages comme jadis on allait écouter Piaf en espérant secrètement qu'elle meure sur scène.
Des perquisitions dans ses propriétés ont révélé la présence de 600 000 eur. en liquide. Refusant de payer ses amendes il organise sa faillite,comme Tapie... Ses investissements au Cameroun sont légion pour échapper au fisc. Bref, l'ami des exlus et des rébelles est plutôt l'ami de son porte-feuille. Un auto-entrepreneur non uniquement de la haine, mais de l'amour de soi.
Son voisinage avec le polémiste Soral
est aussi une association rentable
Son voisinage avec le polémiste Soral est aussi une association rentable : à Dieudonné les spectacles, à Soral les livres. Aucune concurrence, plutôt une complémentarité commerciale.
Dès lors la complexité du personnage se dissipe. Toujours en quête de succès pour vivre (et bien vivre) de son art, Dieudonné a toujours surfé sur la vague porteuse : l'humour mainstream au début, l'anti-racisme bon tein après, les clientèles communautaires ensuite puis la posture anti-système pour conclure. Et maintenant ? L'écologie radicale ? La sexualité des retraités ? L'échangisme boudhiste ?
Postcriptum : Dieudonné partira-t-il au Cameroun ? Il y gère déjà des affaires à l'ombre de la dictature locale...
Lien : Dieudonné, cétacé ! (dec. 2013)
Fiche wikipédia de Dieudonné, nuancée et détaillée