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Corée du Sud, un développement exemplaire ?
La république de Corée (Corée du sud) était après la guerre de Corée l’un des pays les plus pauvre du monde. Et le plus « aidé » par les Etats-Unis. Les pays d’Afrique nouvellement indépendants étaient même vu avec un meilleur avenir que le sud de la péninsule ! Un comble quand on voit la Corée du Sud classée environ 15° soit le niveau du Japon (selon l'IDH de l'ONU).
A partir des années 70 le pays est devenu un exemple de développement puis de modernisation accélérée. Actuellement le pays est l’un des plus développé du monde avec une puissance économique incontournable et même des enjeux propres au post-développement, par exemple la question du vieillissement de la population ou l’environnement.
Comment, en moins de 50 ans, un pays misérable et ruiné est-il devenu un modèle de pays développé et prospère ?
Profiter de la guerre froide ? La Corée du sud après 1953
Quand la guerre fratricide s’achève en 1953 le sud est triplement ravagé : la colonisation japonaise avait été féroce, la guerre de Corée terrible et le régime politique du vieux Sigman Rhee était une tyrannie abjecte !
Des familles nombreuses qui survivaient
entre les épidémies et malnutrition
Le pays était en majorité rurale avec des familles nombreuses qui survivaient entre les épidémies, la malnutrition et la mortalité infantile. En effet, la Corée du sud ne produit alors pas assez de nourriture pour elle même et plus d’un nourrisson sur 10 meurt avant l’âge de 1 an.
Les industries sont rares et concentrées autour de la capitale Séoul où s’entassent dans des quartiers insalubres des milliers de réfugiés… Les jeunes femmes survivent dans des ateliers textiles sordides ou en se prostituant aux mafieux et autres soldats us.
L’anticommunisme de Rhee lui permet de soutirer des dollars d’aide à Washington qui alimente -à hauteur de 10 %- le faible PNB. Les seuls clients qui alimentent l’économie locale sont les milliers de GI’s qui stationnent dans le pays, ils font travailler quantité de commerçants, domestiques et autres industries de « loisirs »…
L’aide intéressée des Etats-Unis peine à cacher
une situation bien pire qu’en Corée du Nord
Quand le vieux dictateur est chassé par une série d’émeutes inédites le pays est loin d’avoir entamé son développement. En 1960 le pays a encore tous les stigmates du sous-développement : corruption, secteur de la défense surdimensionné, campagnes misérables, ghettos urbains sordides. L’aide intéressée des Etats-Unis peine à cacher une situation bien pire qu’en Corée du Nord où le socialisme national de Kim Il-sung reconstruit le pays à vive allure et généralise un minimum de services publics.
Dictature et développement : l’ère de Park Chung-hee
Il faut attendre les présidences de Park Chung-hee pour voir le pays décoller enfin. Park ressemble par bien des aspects à Rhee : il s’impose par la force et se maintient au pouvoir par et pour une clique liée aux mafias et aux intérêts des Etats-Unis. L’épouvantail nord-coréen et l’opposition de certaines parties de la population servent de prétexte à une dictature qui épouvanta jusqu’aux USA.
Il lance le pays dans la politique de substitution
des importations en subventionnant les entreprises sud-coréennes
Néanmoins, bien conseillé et soutenu par Washington, Park prend les mesures nécessaires pour sortir son pays de la misère : avant le triomphe des idées libre-échangistes il obtient des USA de protéger son économie en limitant les importations. Il lance le pays dans la politique de substitution des importations en subventionnant les entreprises sud-coréennes qui copient les produits étrangers assez simples à fabriquer. Une hérésie anti-libérales dans le monde actuel !
De plus les marchés japonais et états-unien sont des débouchés naturels pour les premières exportations sud-coréennes. Les premières délocalisations ont lieu vers la Corée du sud où la jeunesse sous-employée est pléthorique. Dans les années 50-60 les familles ont encore autour de 5 enfants : la jeunesse sous-payée ne manque par à Séoul ou à Pusan, le grand port du sud…
Par ailleurs Park investit dans les campagnes pour produire plus et surtout rallier à sa politique la Corée rurale éternelle oubliée de la capitale : routes, électricité et maisons modernes font reculer le sous-développement.
De plus, le goût des Coréens pour le savoir facilite l’alphabétisation et la course à la formation qui permet d’enclencher la pompe à développement.
|
Mortalité infantile (‰) |
Enfants par famille |
Aug de la pop par an (%) |
1950
|
138 |
5 |
2.9 |
1960
|
114 |
6 |
2.7 |
1970
|
38 |
4 |
2.2 |
1980
|
24 |
2 |
1.4 |
1990
|
10 |
1.7 |
1 |
2000
|
5 |
1.2 |
0.5 |
2010
|
4 |
1.2 |
0.5 |
Le gouvernement protège le marché intérieur
Avec le temps l’Etat autoritaire et les dirigeants des grandes sociétés se rapprochent toujours plus… Le gouvernement protège le marché intérieur et subventionne ces multinationales en devenir tandis que les élites patronales sont sureprésentées dans la haute fonction publique…
A la base de la société les salaires restent faibles pour précisément continuer d’attirer des investissements étrangers. Si les grandes sociétés font un peu de social pour la galerie les conditions de travail chez les sous-traitants sont médiocres.
Cette sombre réalité mobilise les étudiants
Cette sombre réalité mobilise les étudiants qui vont, dans les années 70, se mobiliser contre ce consensus autoritaire. Des intellectuels rejoignent aussi les rangs des opposants à la chape de plomb politique et sociale.
A la fin des années 70 c’est l’opinion publique qui bascule lentement dans l’opposition : les partis d’opposition plus que surveillés remportent même en nombre de voix des législatives, seuls les députés nommés sauvent la majorité présidentielle. C’est dans cette ambiance délétère que Park fini assassiné par un de ses proches, le directeur de la KCIA ! Un certain Chun le remplace. Il a été choisi par les élites du pays toujours homogènes vis-à-vis des Etats-Unis, du modèle économique à deux vitesses et l’anti-communisme. La dictature se poursuit donc mais avec quelques nuances alors même que la majorité de la population devient de plus en plus critique vis-à-vis du « modèle » : Chun fait la promotion des « 3 S » (sport, sexe, cinéma…) pour offrir quelques dérivatifs apolitiques aux mécontents… C’est sans effet notable, le mécontentement règne.
Economiquement le pays continue sa modernisation et attire toujours davantage les capitaux extérieurs. Les années 80 sont fastes grâce, entre autres éléments, à un pétrole bon marché après 1986. c’est aussi dans les années 80 que la natalité baisse à environ 2 enfants par famille, la population est donc destinée à stagner autour de l’an 2000.
En 1988 la Corée du Sud organise les JO ! Succès symbolique évident qui ne fait pas désarmer les étudiants qui se font l’écho non d’une vague révolutionnaire mais plutôt d’une opinion publique de plus en plus tentée par la démocratie occidentale. De 1975 à 1986 le budget de l’éducation triple et représente 1/3 des dépenses nationales, le nombre d’étudiants passe de 0,4 à 1,5 millions de jeunes.
Le pays prend aussi le virage des industries électroniques et automobiles : les grands ports attirent des partenaires étrangers qui travaillent avec les chaebols, multinationales aujourd’hui mondialement connues. En 1986 le pays exporte 2000 fois plus de produits qu’en 1960 ! Le développement devient un fait acquis.
Les années 1990 voient la démocratie s’installer avec la victoire de plusieurs opposants modérés et historiques à la junte. Les fondateurs des chaebols doivent aussi assainir leurs comptes car derrière leurs produits vendus dans le monde entier se cachent une comptabilité flou et un endettement masqué par les banques d’Etat. Seule une croissance forte permet de remettre les compteurs à zéro. Mais pour l’opinion les grands capitaines d’industrie perdent leur place dans la société…
La suite de l’Histoire sud-coréenne ressemble à certains pays d’Europe qui sortent de régimes autoritaires : des élections libres opposent des factions des classes aisées autour d’un consensus libéralo-capitaliste. Les étudiants contestataires d’hier sont les élus d’aujourd’hui avec des problèmes posés non par la pauvreté mais par le développement. Comment limiter, par exemple, les dégâts environnementaux ? Comment limiter le vieillissement de la population ? Comment préparer la réunification avec la Corée du Nord ?
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021