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Poutine est-il populaire ?

Qu'est-ce qu'être populaire quand on est président ?

Poutine est-il populaire ? Poser cette question c'est interroger la notion même de popularité.

Qu'est-ce qu'être populaire quand on est président ? C'est déjà ne pas subir des signes d'impopularité (manifestations, tags, critiques sur les réseaux...), or, en Russie toutes les polices sont avant tout aux ordres du pouvoir présidentiel. Outre l'ordre public ordinaire les services de sécurité ont une seule mission : décourager tout signe d'opposition visible à la politique du Kremlin et cela depuis déjà plusieurs années. On revient aux pouvoirs des tsars et autres secrétaires généraux du Parti : penser contre peut-être, agir contre, jamais. Bien sûr Poutine n'est pas Staline mais la verticale du pouvoir et les incertitudes de la guerre font que tout débat se fait en deça de la personne au pouvoir : on peut critiquer aisément tout le personnel politique, tous les généraux en Ukraine... mais pas le président ! Prigogine ne se gêna pas pour insulter les cadres de l'armée russe mais il fut abattu quand il se révolta ouvertement contre le président. Tel un parrain ou un souverain d'ancien régime Poutine règne par la peur qu'il inspire à ses opposants comme Navalny qui fut éliminé comme tant d'autres.

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Or, comme tout César Poutine jouit aussi d'une popularité due à sa force et à l'image qu'il en donne. De tout temps les hommes forts ont eu un matelas de popularité auprès des gens intéressés ou impressionnés par l'ordre et sensibles au récit répété par les voix officielles : Poutine protège la Russie, nourrit le peuple et frappe les criminels. Et ce narratif a un fond de vérité : avant son arrivée en 99 le pays est ruiné, divisé, en proie aux violences. Le successeur de Eltsine se fait connaître en domestiquant les oligarques qui pillaient allègrement la Russie. Même au prix de méthodes brutales et maffieuses il donne l'impression de stopper la désintégration du pays en gagnant la seconde guerre de Tchétchénie. Il applique le logiciel de tous les grands autocrates russes : jouer la carte de l'ordre en en appelant au peuple contre les forces centrifuges comme les oligarques, les intérêts étrangers ou les marginaux. Actuellement en Russie homosexuels, artistes contestataires et populations remuantes sont dans le viseur des autorités avec l'Orthodoxie comme ciment symbolique et historique. Même Staline redécouvrit l'utilité de l’Église orthodoxe face à l'invasion nazie... L'heure est au repli sur soi.

Tant que la Russie sera réellement encerclée

par l'OTAN Poutine aura un certain échos

Tant que la Russie sera réellement encerclée par l'OTAN et que le discours américain lui contestera des espaces où elle est implantée depuis longtemps le discours nationaliste de Poutine aura un certain échos. Mais le gros de sa popularité réside dans la peur du chaos qui précéda son arrivée aux affaires et qui est prévisible si il disparaît brutalement.

quand le pouvoir a sorti rapidement un vaccin

contre le covid les foules ne se sont pas pressées

En fut-il autrement sous Brejnev ? Les dissidents étaient bien seuls au milieu d'une URSS encore hantée par le stalinisme et perfusée au conformisme communiste. La télé disait du mal des adversaires de l'URSS entre deux programmes sportifs et/ou déjà nationalistes. Est-ce différent aujourd'hui ? L'autorité en Russie est vue comme un moindre mal mais mobilise surtout l'indifférence des gens. Par exemple quand le pouvoir a sorti rapidement un vaccin contre le covid les foules ne se sont pas pressées, ayant le choix, c'est la déficience qui l'a emporté. Il en est de même aujourd'hui face à la guerre en Ukraine : on redoute la défaite mais on redoute encore plus d'aller se battre. Le battage médiatique et la haine contre les "traîtres" sont surtout des signes que le régime inspire plus de craintes et d'indifférences que d'adhésions. A. Zinoviev, célèbre dissident (non démocrate mort en 2006) écrivait une fois passé à l'ouest dans les années 80 que le régime soviétique tenait peut-être par la peur mais surtout par une chape de plomb conformiste sous laquelle vivait en parallèle une société discrète où la principale urgence était de ne surtout pas avoir à faire avec quelque officiel que se soit. Les livres comme la vie d'E. Limonov (opposant à Poutine mort étrangement en 2020) racontent bien cette tendance à vivre plus en parallèle qu'en opposition avec un pouvoir sans pitié pour ceux qui le contestent ouvertement. Du coup, dans l'espace public visible il ne reste que les signes sincères ou opportunistes d'adhésion au régime, d'où cette impression de popularité massive de Poutine. Dans les rares sondages à peu près crédibles les Russes se déclarent à environ 70 % derrière le président et... sont autant à déclarer vouloir des "changements". Logique, non ?

Date de dernière mise à jour : 24/12/2024

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