Pour J. Mack la vérité était ailleurs
Alors qu’il était un respectable professeur de psychiatrie à la Harvard Medical school J. Mack publie en 1994 un livre qui secouera la vénérable institution universitaire. Dans une œuvre de plus de 900 pages l’enseignant traite... des enlèvements extraterrestres ! Sans prudence, sans guillemets et en donnant plus que l’impression d’accorder foi aux « récits » de ses patients, il déclenche l’ire de ses collègues. S’en suivent des mois de polémiques, enquêtes et plaidoyers sur la nature de ses recherches et son droit à les publier. Au pays du libéralisme universitaire et politique J. Mack finit par avoir le droit d’étudier et de publier ce qu’il veut mais l’affaire aura fait grand bruit. Mais de quoi s’agit-il au juste ? Que raconte cet étrange livre sur des, non moins étranges, « phénomènes » ?
il existe plusieurs registres de vérités, la réalité est, avant tout, une vision culturelle
Comme pour se justifier l’auteur précise en introduction qu’il existe plusieurs registres de vérités et que la réalité est, avant tout, une vision culturelle des choses. Elle est aussi en perpétuelle évolution. Soit. Ainsi les Tibétains ne voient-ils pas la Nature comme nous, même chose pour les rêves ou l’Ailleurs… On peut juger ce relativisme comme une pirouette rhétorique mais le livre de Mack n’en demeure pas moins problématique.
on raconte à Mack des visions apocalyptiques futures
Mais que raconte son livre ? Toujours la même chose avec un même scénario : des gens en plein mal être finissent par venir le voir et, après des séances d' « hypnose régressive », racontent toujours la même histoire : plusieurs enlèvements par des extra-terrestres qui, bien souvent, ne laissent aucune trace. Leur but ? Développer une race hybride d’humains et d’extra-terrestres afin de mieux survivre. D’où viennent-ils ? Qui sont-ils au juste ? Mystères sinon qu’ils sont inquiets sur les dangers qui pèsent sur l’Humanité. Souvent on raconte à Mack des visions apocalyptiques futures. Les « témoins » tantôt traumatisés, tantôt rassurés, échangent par télépathie mais sans éprouver autre chose que des sensations décuplées et une conscience désormais modifiée. Rappelons qu'une célèbre histoire de cette nature avait donné lieu à un tohu-bohu médiatique inédit en 1961, le récit du couple Hill.
En appliquant à ces discours autre chose que des doutes sceptiques
il leur apporte une caution scientifique problématique
J. Mack n’a jamais déclaré croire explicitement à ces histoires, mais il n’a jamais non plus émis de doutes sérieux sur ces narrations. « Il y a quelque chose » dira-t-il plus tard. Mais quoi ? Sans laisser de traces, sans témoins, sans preuves matérielles irréfutables ces histoires ressemblent avant tout à des mythes modernes (hantises sexuelles, dangers écologiques, nucléaires…) et sont aussi l’écho de déséquilibres propres aux patients. On sait par ailleurs que les récits sous hypnose sont sincères mais parfois sortis de l'imagination des patients. Or pour Mack c'est un registre de la vérité que Freud a délaissé à tort... Outre le crédit accordé à des récits fantaisistes le livre de J. Mack a surtout brouillé les frontières entre les faits scientifiques (c’est à dire démontrables), la science-fiction et les croyances subjectives (par définition mystico-religieuses). En appliquant à ces discours foucaldiens autre chose que des doutes sceptiques il leur apporte une caution scientifique qui a ébranlé son employeur et aussi nos consciences car son livre et ses postulats reposent la question de la vérité et de sa définition. Les patients de Mack sont-ils, de par leur sincérité, dans "la vérité" ou dans "leur vérité" ? La leur et celle du médecin certainement mais pas vraiment dans ce qui fait progresser la connaissance depuis des siècles. Face aux critiques Mack répétera que l'univers est bien plus vaste que nos certitudes sur lui...
Mort accidentellement en 2004 le professeur Mack laisse derrière lui une œuvre hybride entre l’approche psychiatrique la plus sérieuse et la porte ouverte au « merveilleux », c’est ce caractère composite de son travail qui en fait l'intérêt. Le seul ?