QUE FAIRE Valeurs et Actions Républicaines

Fallait-il guillotiner Louis XVI ?

Louis XVI, portrait impossible ?


Le XVIIIe siècle, un siècle de peurs


Comprendre la vie et la mort de Louis XVI c’est d’abord se plonger dans le XVIII°s. Vu d’aujourd’hui on interprète tout avec la révolution comme objectif. Mais avant 1789, impossible de faire cette analyse. Les acteurs sociaux agissaient par rapport à leur vécu et à leur passé, pas par rapport à un événement futur impensable...

Le XVIII°s c’est d’abord un siècle de peurs qui traversent encore la société emprunt de féodalismes : malgré quelques progrès tout le monde a peur : dans les classes populaires on redoute les malheurs de la vie, les épidémies, les guerres, l’arbitraire de la justice, Dieu, le Diable, les impôts et son corollaire, la faim ! La dernière peste remonte à 1721 en Provence.

Dans les élites on a peur aussi : des émeutes, des disgrâces, de la ruine, de la fatalité. Le roi aussi a peur, essentiellement de la discorde et des divisions dans le pays. Louis XIV passera son règne à écraser toute espèce de dissidences (protestants, seigneurs, jansénistes, révoltés anti-fiscaux, etc.).

Louis XVI cherchera certes à se distinguer de la brutalité de Louis XIV et des scandales de Louis XV, mais il aura toujours cette hantise que son pouvoir absolu ne le soit plus.

 

Eléments psychologiques

Image du documentaire

Louis XVI, l'homme qui ne voulait pas être roi 

Aujourd’hui les procès commencent toujours par l’enquête de personnalité de l’accusé. Faisons de même !

Que dire du caractère de Louis sinon qu’il collait à celui des rois de l’époque ? Elevé dès le plus jeune âge dans une famille royale pluri-centenaire, surprotégé des dures réalités du commun, certain que le monde a été voulu par et pour Dieu, éduqué dans l’idée de préserver la grandeur de la France dans une Europe périodiquement en guerre contre elle-même. Le futur Louis XVI a 9 ans quand la guerre de 7 ans s’achève.

Des Nobles font circuler des rumeurs sur la fadeur du roi

Néanmoins il ne croit plus à la guerre comme facteur de gloire, se méfie du système de la cour et cache peu sa timidité et sa réserve. Avant 1789 certains Nobles feront circuler quelques rumeurs sur la fadeur et la timidité du roi… Peu dynamique il ne quittera Versailles qu’une seule fois entre son sacre à Reims et 1789.

Souvent las de la politique il s’isole à la chasse, dans son atelier de serrurerie ou dans ses lectures nombreuses et variées. Son mariage à l’âge de 15 ans est politique : la France s’allie à l’empire d’Autriche et Marie-Antoinette deviendra future reine de France par le jeu des alliances. Un classique pour l’époque. La consommation du mariage généralement rapide et espérée est très lente ce qui ne facilitera pas l’image d’un roi affirmé…

Peut-être faut-il noter aussi la mort comme compagne de sa jeunesse : il a 11 ans quand son père meurt à l'âge de 36 ans, son frère aîné décède aussi prématurément. En 1789 il perd son fils aîné âgé de 8 ans.

Quand il règne à partir de 1774 un feu d’artifice donné à Paris dégénère, plus de 100 personnes meurent dans un incendie. Même responsable de rien le nouveau roi n’a pour lui que de remplacer Louis XV, caricature du roi usé et détesté après avoir été apprécié après Louis XIV.

 

Comment réformer ?

TURGOT( 1727- 1781) - BIOGRAPHIE.

 Turgot, l'ultra réformateur

Dès 1774 Louis XVI nomme le plus réformateur des ministres : Turgot. Il est apprécié de Voltaire et partisan affiché de réformes libérales à tout point de vue. Le roi le soutien ouvertement et accepte de réduire ses dépenses en attendant des mesures plus ambitieuses comme la libre circulation des grains.

la rapidité des réformes plonge le pays dans la peur

Mais la rapidité des réformes bouleverse les intérêts acquis et plonge le pays dans la peur, vieille associée des changements. Une réforme symbolise l’impasse du premier Louis XVI : la libre circulation des grains. Vieille idée sensée faciliter le commerce du blé en France alors mitée de péages et de droits de passage multiples facilitant les pénuries. Le but de Turgot est de briser les quasi monopoles de ceux qui peuvent localement acheter les grains et attendre la disette pour les revendre nettement plus cher.

Mais dans le pays, toujours perclus de peurs, on redoute l’effet inverse : c’est à dire que des étrangers aux provinces viennent rafler les récoltes et spéculent avec.

Des rumeurs agitent les foules qui attaquent les convois de grains préventivement. Les « complots de famine » terrifient les urbains les plus fragiles. Paris remue, gronde, s’agite. La peur saisit à son tour Louis XVI qui congédie Turgot qui avait contre lui tous les conservatismes de France et de Navarre.

Cet épisode qui dure une année est représentative des agissements de Louis XVI, pas foncièrement conservateur, conscient des changements nécessaires, mais terriblement indécis quand l’opinion et les élites se liguent contre les réformes.

 

L’abîme des finances publiques

Turgot écarté un autre problème récurrent fait surface : l’équilibre des comptes ! Dès 1774 la France est en quasi faillite ! En 1749 Louis XV avait échoué à faire payer un nouvel impôt à tout le monde (donc y compris à la noblesse et au clergé), depuis cette date, cette urgente réforme échoue périodiquement sous le coup des parlements, hautes cours de justice féodales, adversaires du pouvoir royal mais surtout gardien des intérêts acquis…

En 1749 Louis XV avait échoué à généraliser les impôts

Louis XVI appelle Necker aux affaires. C’est encore un réformateur. Il est suisse, protestant et banquier. Son CV fait de lui un audacieux qui n’est ni noble ni catholique.

Face aux blocages fiscaux il lance des emprunts et endette vite la France à des hauteurs inédites. Louis XVI laisse faire soucieux, toujours, d’éviter tout conflit. Ses frères ne sont pas les derniers à attendre ses faux pas, de même que son cousin Philippe d’Orléans, grand réformateur et futur révolutionnaire...

Comme pendant la révolution il trouvera dans la fuite en avant un échappatoire. Même prudent et nullement belliciste il trouvera dans la guerre une unanimité rare en soutenant les indépendantistes américains. Une politique plus que coûteuse qui permettra pourtant de mettre tout le monde d’accord : les libéraux comme la noblesse ! De 1778 à 1783 la France aide massivement les insurgés. Les idées libérales se répandent d’autant plus dans l’opinion.

Necker échouera aussi comme Turgot quand les parlements feront échouer son projet de les doubler par des assemblées provinciales élues. Malgré cela Louis XVI poursuit ses réformes « sociétales », les derniers serfs royaux sont affranchis tandis que la torture devient illégale. Il octroie aussi un état civil aux Protestants interdits par Louis XIV depuis 1685.

Un affront inédit pour un roi de France

Necker joue son va-tout en publiant avec le soutien du roi le détail des dépenses de la cour, c’est à dire le détails des privilèges des grands nobles (comme les frères du roi). Necker est alors la cible des privilégiés : des parlements aux nobles les plus installés. Louis XVI le remplace comme Turgot, non par refus des projets novateurs mais plus pour ne pas être trop concerné par son impopularité.

Calonne le remplace et reprend assez vite les projets de réformes déjà anciens : assemblées locales élues, égalité des impôts, libre circulation des grains, etc. Louis XVI réunit même une « assemblée des notables » dont il nomme tous les membres pour créer un impôt payable par tous en 1787. Composée de privilégiés susceptibles d’être imposés, l’assemblée refuse ! Un affront inédit pour un roi de France. Calonne doit partir.

L’année précédente le procès du cardinal de Rohan (cousin du roi en froid avec la reine) ternit la monarchie : c’est l’affaire du collier où deux escrocs ont fait croire à Rohan que la reine acceptait un collier de diamants en cadeau. Acquitté par le parlement de Paris, Rohan passe pour une victime de plus de l’arbitraire royal alors même que Marie-Antoinette avait refusé le collier quelques années auparavant.

Au même moment Louis XVI part visiter le port de Cherbourg en travaux. Il est bien accueilli lui qui n’est sorti de Versailles que pour son sacre à Reims.

En 1787-88 c’est Loménie de Brienne qui est premier ministre, les parlements bloquent ses projets d’impôts pour tous, le 6 août 1787 le « lit de justice » du roi qui impose la réforme est déclaré nul par le parlement de Paris. Une première dans l’histoire de France ! Le 14 août 1787 le parlement est exilé à Troyes où l’accueil est triomphal. Les autres parlements se solidarisent et le roi accepte les Etats Généraux pour… 1792 ! Le parlement revient à Paris où la foule brûle des effigiées de Calonne, Brienne, la reine…

En grande difficulté financière l’Etat lance un emprunt que le parlement accepte en échange de la convocation des Etats Généraux. Le parlement accepte aussi l’édit de tolérance et la fin de la torture mais l’opposition est nette concernant les projets de réforme des parlements (journée des tuiles à Grenoble).

l’hiver 1788 annonce des récoltes médiocres

Necker revient aux affaires en 1788 et l’hiver annonce des récoltes médiocres. Le pays est miné par les grands froids et la cessation de paiement, des violences urbaines alertent les autorités : en avril 1789 l’émeute du boulevard Saint Germain fait autour de 500 morts à Paris.

Les Etats Généraux sont convoqués, Louis XVI double les représentants du tiers et se prononce pour le vote par tête (contre l’avis du Parlement).

 

Face à 1789 : le double jeu

Dès que les Etats Généraux se réunissent Louis XVI perd vite l’initiative puisque le Tiers-Etats et quelques autres députés se proclament « assemblée nationale » (491 voix pour et 89 contre) le 17 juin 89. Le 20 juin c’est le « serment du jeu de paume » qui prépare la monarchie constitutionnelle. Face à cela Louis XVI affiche une opposition latente et s’exprime le 23 juin lors d’une séance « royale » : il accepte les libertés, l’égalité des impôts mais refuse l’assemblée nationale ! Il demande la dissolution de l’assemblée et quitte la salle : de nombreux députés restent : Bailly et Mirabeau répondent vertement à l’envoyé du roi. « Qu’ils restent ! » lâche le roi en privé…

Mais à sa demande des régiments de mercenaires se mettent en route pour Paris, cela déclenche la panique des parisiens : dans la capitale des régiments font défection et participent aux préparatifs de résistance : le 13 juillet une milice urbaine de 48 000 hommes est créée à l’initiation des élus parisiens. Le roi renvoit Necker vu comme un modéré. On redoute plus que jamais une "Saint Barthélémy des patriotes" ! Le 14 juillet la Bastille est prise d’assaut pour ses stocks de poudre (une centaine de morts).

Dépassé, toujours à Versailles, le roi renonce aux troupes étrangères et accepte en apparence la nouvelle donne politique le 15 juillet (l’assemblée, la garde nationale, la cocarde tricolore, etc.). Mais il reste silencieux sur la constitution… Ses frères quittent la France et s’acoquinent avec certaines monarchies… Louis XVI a-t-il demandé à ses frères de partir pour préparer un retour ou pour sanctionner un positionnement réactionnaire ?

Du 19 juillet au 16 août 89 la « grande peur » secoue les campagnes où règne la plus grande confusion : concentré de toutes les angoisses de la France profonde… La noblesse sent la pression et accepte la fin des privilèges (4 août) et la Déclaration des Droits de l'Homme (le 26 août 89). Le roi toujours septique et refuse d’entériner les changements…

Dans les discussions constitutionnelles l’Assemblée Nationale octroie au roi un droit de veto, reste de son pouvoir législatif.

Mais à Paris la situation alimentaire est critique : la violence politique est devenue répétitive. On imagine que Versailles regorge de blé et certains sont outrés par "l’attentat du 1° octobre", quand des militaires royalistes ont piétiné la cocarde devant le roi après un repas.

Le 5 octobre 5 000 femmes arrivent à Versailles...

Les 5 et 6 oct. 89 environ 5 000 personnes, surtout des femmes, arrivent à Versailles et poussent la famille royale à apparaître au balcon. Le soir même elle quitte Versailles pour Paris avec du blé. Louis XVI, contraint  accepte la Déclaration des Droits de l'Homme…

L’Assemblée nationalise les biens du clergé pour solder les dettes. Nouveau refus du roi devant la Constitution Civile du Clergé… L’élection des évêques est catégoriquement refusée par le pape Pie VII. C'est la rupture dans le clergé français… En juin et août 1790, graves violences à Nîmes et Nancy (environ 400 morts dans chaque ville), Fin dec. 90 le roi accepte en apparence la Constitution Civile du Clergé.

Le 14 juillet 90 marque le seul moment de concorde entre les acteurs politiques : publiquement le roi accepte la nouvelle constitution qui réunit une grande majorité de citoyens. Mais les contradictions politiques et sociales perdurent entre un ancien roi absolu qui renâcle à devenir un monarque constitutionnel, des réactionnaires qui grondent depuis l’étranger et une question sociale et religieuse qui reste en suspens.

 

L’équilibre impossible

Attaque du palais des Tuileries, 10 août 92

Les 20 et 21 juin 91 c’est la tentative de fuite du roi bloqué à Varennes. Le texte qu’il laisse montre les limites de son ouverture politique : s’il accepte quelques acquis de 1789 (les libertés), il affirme que les évènements ont été trop loin et condamne l’Assemblée... Le retour du roi à Paris se fait dans la sidération générale. Il est même suspendu quelques jours par l’Assemblée. Certains deviennent républicains et réclament sa suspension définitive : ils pétitionnent au Champ de Mars et subissent les coups de fusils de La Fayette et Bailly (17 juillet 91). La rupture entre les révolutionnaires de 89 s’approfondit : les modérés appuient le roi tandis que les démocrates fuient (Marat part à Londres), les réactionnaires s’organisent toujours aux frontières et dans le pays via les prêtres réfractaires à la CCC. En position de faiblesse le roi accepte de nouveau en apparence les changements. Ses frères s’alignent sur les pays les plus hostiles à la nouvelle donne. Nul ne sait de quel côté il penche. Se sent-il proche de ses frères ou des autorités ? 

Louis XVI met son veto 

Louis XVI met son veto à la loi condamnant et saisissant les biens des émigrés. L’opinion se méfie de ses vraies desseins mais il accepte le 20 juin 92 que la France fasse la guerre à l’Autriche et la Prusse sur la question des émigrés. Double jeu ? D’accord avec l’Assemblée contre les émigrés mais aussi contre la loi les condamnant ?

Imagine-t-il qu’une guerre perdue balaierait l’Assemblée mais pas lui ? Compte-t-il sur une guerre gagnée pour redevenir le monarque victorieux de la guerre avec l’Amérique ?

Il met son veto à une loi contre les prêtres réfractaires et s’oppose aussi à la création d’un camp de soldats fédérés autour de Paris… L’opinion parisienne l’associe aux défaites qui s’enchaînent : le 20 juin 92 une foule armée le somme de retirer ses veto. Sans succès.

Le 25 juin 92 le manifeste de Brunswick menace Paris

Le 25 juin 92 le manifeste de Brunswick électrise la foule des patriotes et des républicains car Louis XVI apparaît comme l’allié des envahisseurs : les roi de Prusse et empereur d’Autriche somment Paris de se soumettre sans délais au roi ! D'accord ou pas avec le texte Louis XVI fait figure de complice des envahisseurs.

Le 10 août 92 met fin à la monarchie avec une manifestation armée devant le palais des Tuileries : Louis XVI se réfugie auprès des députés. L’Assemblée encore bienveillante vis-à-vis du roi le suspend le soir même sous la pression de la foule. La journée de guerre dans Paris fait plus de 1 000 morts...

La république est proclamée le mois suivant. La famille royale devient une famille ordinaire : on prépare le procès de "Louis Capet". Des documents retrouvés dans le palais des Tuileries nourrissent l’accusation.

plus de 40 chefs d’inculpation sont retenus contre lui

La nouvelle assemblée, la Convention, s’érige en tribunal et juge l’ex roi du 16 au 26 décembre 1792 : plus de 40 chefs d’inculpation sont retenus contre lui, certains ne sont pas fondés mais d’autres le sont davantage comme la corruption de députés ou le complot avec des puissances étrangères ou ses frères contre la France.

Louis XVI (aidé de trois avocats) répond toujours qu’il avait le droit de faire ce qu’il a fait aux moments précis. Arguments justes juridiquement mais de peu de portée politique. Par exemple quand il tente d’empêcher l’Assemblée Nationale de travailler en 89 ou quand il fait venir des mercenaires autour de Paris… Le droit n’est pas le devoir. A fortiori quand la guerre est déclenchée ou quand il tente de fuir en 1791.

La Convention vote à l’unanimité la culpabilité de l’ex roi 

La Convention vote à l’unanimité la culpabilité de l’ex roi concernant l’atteinte à la sûreté de l’Etat mais seulement par 361 voix contre 360 la sentence de mort. Une majorité plus nette accepte l’exécution (380 contre 310). C’est chose faite le 21 janvier 93. Un autre vote rejette la ratification populaire de la sentence prononcée par la Convention.

Il a été retenu que Louis XVI avait des intérêts communs avec les ennemis de la révolution ET les ennemis de la France. Prisonnier de son éducation et de sa première vie de roi, il a laissé faire ses frères et ses partisans de plus en plus violents contre la révolution. Partisan de quelques changements importants depuis ses jeunes années, Louis XVI dû être forcé d’accepter les changements plus importants comme les Droits de l’Homme ou la CCC. C’est de cette ambiguïté (les veto) que vient le discrédit politique puis l’accusation de trahison en pleine guerre « perdue ». Voulut-il vraiment faire perdre activement la France ? Aucun document ne vient accréditer cette thèse même si son attitude plaide pour un laisser faire face à la défaite de la révolution. Même comportement dans sa fuite et son texte d’explication : un refus non des réformes (fête de la fédération en 1790), mais de l’accélération de celles-ci (CCC, mesures contre les émigrés…).

En réaction les nouvelles autorités devinrent « terribles » : massacres de septembre 92, exécution de l’ex roi et de l’ex reine avant de lancer la « Terreur », un épisode de la guerre civile enclenchée depuis août 92 et achevée après la restauration de 1815 (terreur blanche). ▲

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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